Entretien avec Mathieu Charreyre (WDA)

Siège social de la WDA, Paris, (7 mai 2011).

 

C'est avec deux amis d'enfance qu'en 1996 Mathieu Charreyre a fondé l'association WDA, avec l'ambition de créer le premier musée français pour le patrimoine informatique. Aujourd'hui, la WDA est une collection de plusieurs centaines d'ordinateurs, de consoles de jeux, de calculatrices, de jeux et logiciels allant des années 1970 à nos jours. Au fil du temps, la WDA et ses membres ont développés un grand nombre d'activités et de services basés sur leur expérience de la restauration et de la réparation d'ordinateurs. Emanuel Lorrain (PACKED vzw) a rencontré Mathieu Charreyre pour savoir comment la WDA gère la conservation et la réparation de leurs équipements. Pendant l'entretien, Mathieu Charreyre est brièvement rejoint par Olivier Lippmann, membre de la WDA depuis 2009, qui apporte à l'association son aide et son savoir en électronique.

 

PACKED: Pouvez-vous nous parler de votre parcours personnel et de la naissance de cette collection ?

Mathieu Charreyre: Je suis un autodidacte qui travaille dans l'informatique depuis que j'ai 15 ans, d'abord en tant que vendeur dans un magasin d'informatique à Paris. À cette époque l'informatique était un monde de passionnés et j'ai rencontré beaucoup de gens qui sont par la suite devenus importants dans ce qui allait devenir le milieu de l'Internet francophone. En 1995, j'ai travaillé chez le premier fournisseur d'accès Internet grand public en France : CalvaCom, puis en 1996, j'étais le vingtième employé de la société Club Internet qui n'avait alors que deux mois d'activité. J'y ai travaillé de 1996 à 2001, d'abord en tant que technicien puis pour finir en tant que gérant du parc informatique du Call Centre. En parallèle, j'ai créé l'association WDA en 1996 qui était au départ basée sur une collection privée que nous avions démarré avec deux amis d'enfance en 1988. En m'appuyant sur la WDA, j'ai créé successivement deux sociétés en 2001 et en 2005 qui n'ont pas vraiment marché. Aujourd'hui un troisième ersatz de projet commercial, une société de services s'appuyant sur les connaissances des membres et sur les ressources de la WDA est entrain de voir le jour. Cependant, nous tenons à ce que le cœur de la WDA reste bénévole et ces projets ont tous pour but de supporter les activités bénévoles de l'association.

 

 Les membres fondateurs de la WDA devant le siège social de l'association à Paris.

 

PACKED : Où se situe la WDA dans le paysage des collections d'ordinateurs ?

Mathieu Charreyre: En France il y a quatre grosses entités collectionneuses sous forme associative : Aconit1 à Grenoble, Silicium2 à Toulouse, et enfin MO53 et WDA à Paris. Bien qu'elle soit plus jeune, l'association MO5 est plus connu du grand public que la WDA. L'Aconit vise véritablement à devenir une fondation, elle possède une collection importante liée à l'électromécanique ; il s'agit d'ordinateurs très grands par leur tailles.

 

PACKED: Existent-ils des liens entre ces différentes collections ?

Mathieu Charreyre : Oui, il en existe certaine et la WDA est à la fois partenaire et membre de l'Aconit par exemple. Depuis 2009 j'essaye de créer ce que je nomme le "Maillage Européen de Pérennisation du Patrimoine Numérique & des collections", en partenariat avec le CNAM4, la BNF5, le CNRS6, la Cité des Sciences7, le musée Bolo8 en Suisse et un grand nombre d'autres personnes et associations. L'idée de ce "maillage" est de tenter d'unir tous les collectionneurs, qu'il s'agisse de particuliers, de professionnels ou de structures associatives comme la notre, afin que chacun se spécialise et excelle dans son domaine.

 

PACKED : Qu'entendez-vous par "se spécialiser" ?

Mathieu Charreyre : Je veux dire que chacun doit mettre l'accent sur son savoir-faire particulier. Un des problèmes de la WDA est que sa collection est devenue trop générique et c'est pour cette raison que des coupes sont régulièrement réalisées dans la collection. En 2007, nous avions plus de 900 pièces, et là nous sommes retombé à 600 pièces, parce que nous essayons de ne garder que les pièces qui à l'avenir auront un véritable intérêt historique.

Il faudrait que toutes ces collections et associations collaborent et travaillent intelligemment. C'est pour cela que la WDA paye des cotisations annuelles à toutes ces différentes associations. J'ai lancée le maillage pour que même les collections personnelles de passionnés qui n'ont pas une vision patrimoniale de leur collection puissent être liées. Une personne ayant constitué une collection pendant plusieurs années, peut se retrouver avec des pièces splendides qui aujourd'hui sont introuvables. Lorsque ces collectionneurs privés arrêtent leurs collections pour une raison ou une autre, le maillage doit pouvoir fonctionner comme une sorte de couverture afin d'éviter que des pièces ne soient jetées. Au lieu de cela il sera alors possible de les redistribuer au sein du maillage.

 

PACKED: Comment avez-vous commencé à collectionner ?

Mathieu Charreyre : Comme tous les collectionneurs trentenaires nostalgiques d'aujourd'hui, nous avons commencé à acheter des machines que nous voulions lorsque nous étions enfants mais que nous ne pouvions pas payer à l'époque. Nous avons commencé à acheter ce que l'nous trouvions dans les marchés aux puces, même si cela était en mauvais état, et par la suite nous avons réalisé des swap avec des machines plus récentes ou en meilleur état. Parfois, lorsque cela était possible nous fusionnions deux machines pour en avoir une bonne, tout en essayant de rester dans le respect du numéro de série et de ne pas dépareiller une boîte et sa machine. Nous souhaitons que la machine ait le même numéro de série et que la carte mère9 ait la même date dans le numéro de série.

 

 Un swap entre deux consoles SEGA Master System II.

 

Au bout d'un certain moment, nous avons fini par avoir toutes les machines que nous voulions et la collection allait alors dans des directions trop différentes. De façon un peu compulsive, nous nous sommes retrouvés avec la quasi-intégralité de la collection Apple en 2007 qui représentait plus de 130 pièces différentes. Il nous a alors semblé inutile de garder certaines pièces qui n'avait pas vraiment d'intérêt. Nous avions presque tous les modèles et nous avons décidé de nous concentrer sur les réelles innovations et changements techniques importants en laissant de côté les modifications qui répondaient plus aux enjeux commerciaux du moment.

 

PACKED : À part l'achat directe, comment récupérez-vous tous ces équipements ?

Mathieu Charreyre : En France, les entreprises génèrent beaucoup de déchets numériques et elles sont pour cela soumises à des amendes. À ces entreprises, nous proposons une alternative très intéressante ; elles nous donnent leurs déchets et nous gardons les pièces qui nous intéressent. Tout le reste intègre ce que nous appelons le "full débarras". Ce genre de 'dons' arrive environ quatre à cinq fois par semaine et nous en refusons environ autant. Cela est aussi intéressant pour leur comptabilité, puisque cela passe comme un don à une association. Il y a aussi un grand nombre de particuliers qui nous amènent des pièces et c'est d'ailleurs souvent eux qui nous amènent les pièces les plus intéressantes et en meilleur état.

Très rapidement, nous nous sommes rendu compte que plutôt que de faire les brocantes où les vendeurs commençaient déjà à gagner beaucoup d'argent en vendant n'importe quoi, il nous suffisait d'être patient. Il y a trois mois, une dame de 80 ans est venue nous apporter un grand nombre de consoles neuves encore sous cellophane qui n'avaient jamais été ouvertes dont une Nintendo NES10 complètement neuve, un grand nombre de Game and Watch11 et encore plein d'autres consoles neuves et des ordinateurs Olivetti12. Toutes ces machines étaient dans un état de conservation parfait et j'étais très curieux de savoir d'où elles venaient. En fait son mari et elle ont joué pendant 20 ans à tous les jeux qu'ils trouvaient dans les magazines, et régulièrement ils gagnaient et avaient une pièce de leur maison qui était dédiée aux cadeaux des magazines : téléviseurs, appareils photos etc. Cela fait seize ans que nous sommes connus sous forme associative, et les gens commencent à savoir que nous faisons attention aux pièces, et que quand elles arrivent ici elles sont entre de bonnes mains. C'est aussi le dernier débarras gratuit et bénévole du bassin parisien.

 

PACKED : C'est la raison pour laquelle vous êtes obligé de refuser des équipements ?

Mathieu Charreyre : Oui, car nous proposons aux sociétés et aux particuliers de récupérer leur matériel informatique quel qu'il soit, en échange d'un papier signé comportant les numéros de série des machines certifiant qu'ils ont réalisé un don à l'association. Dans les années 1990, ce système nous a permis d'obtenir de très belles pièces provenant des entreprises, mais depuis 2000 nous ne récupérons quasiment plus que du matériel 'jetable' qui n'a pour nous strictement aucun intérêt.

 

PACKED : Comment gérer vous ces multiples dépôts qui n'intéressent pas la collection ?

Mathieu Charreyre: Moins de 1% du matériel que nous recevons ici part à la déchetterie. Cela est possible grâce aux partenariats et échanges avec d'autres collectionneurs que nous connaissons depuis près de 20 ans. Lorsqu'il s'agit de vielles pièces et que j'ai un doublon, nous essayons de faire un échange. Toutes les pièces qui n'ont aucune valeur historique et qui sont considérées comme 'jetables' sont données. S'il s'agit de matériel très récent, c'est-à-dire de moins de 5 ans, il va être restauré par les bénévoles de l'association, en échange d'une contrepartie financière. Cette contrepartie financière, représente entre 40 et 60% de la côte d'occasion généralement constatée. Tout le matériel qui a une valeur historique va être reconditionné selon les normes WDA et uniquement proposé à l'échange à d'autres collectionneurs. Nous ne revendons pas de matériel de collection, parce que nous ne voulons pas surenchérir sur les prix pratiqués par certains revendeurs.

 

PACKED : Quelles sont les machines que vous considérez comme "jetables" ?

Mathieu Charreyre : Le terme "jetable" n'est pas nécessairement péjoratif ; il désigne les équipements qui dans l'optique de la WDA ne sont pas intéressant car ils font partis d'une production commerciale massive. Ce ne sont ni des pièces rares, ni des pièces ayant un intérêt historique. Par exemple, les Optiplex de Dell13 que nous avons récemment reçu sont des machines qui en un an se sont retrouvées dans toutes les sociétés, faisant au passage la fortune de la société Dell. Cependant, il ne s'agit pas du premier modèle du genre, et pour nous il n'a aucun intérêt. De plus, ces ordinateurs utilisent du plastique, de l'aluminium et de l'électronique de très mauvaise qualité. C'est le type d'ordinateur que nous allons reconditionner puis faire repartir rapidement pour pouvoir accueillir d'autre dons. Il est essentiel pour la WDA que le processus dons/reconditionnement se fasse vite. D'abord nous vérifions si la machine marche et dans le cas où elle ne marche pas nous récupérons certaines pièces.

 

PACKED : Est-ce que des ordinateurs tels que les iMac G314 qui ont eux aussi été très populaires sont également considérés comme jetables ?

Mathieu Charreyre : En 2007 nous avions quasiment l'intégralité Apple, et ces iMac G3 en '5-flavors', c'est à dire dans toutes les couleurs dans lesquelles ils ont été vendus. Après la coupe effectuée dans la collection Apple, nous avons décidé de ne conserver que le Bondi-Blue qui est le premier modèle de cette série d'iMac G3 translucide. Il y a une quantité trop importante de modèles qui n'ont de différents que la capacité de leur disque dur ou leur couleur et la logistique qu'il faudrait déployer pour essayer de figer et de conserver chacune de ces machines serait trop lourde, surtout avec des tubes cathodiques.

Les tubes cathodiques sont très complexes à conserver. Pour les ordinateurs Amstrad par exemple, au lieu d'avoir le même moniteur en autant d'exemplaires qu'il y a eu d'Amstrad différents, nous n'en gardons qu'un seul de chaque modèle compatible avec plusieurs générations d'ordinateur.

 

PACKED : Donc vous ne gardez pas un écran par unité centrale ?

Mathieu Charreyre: Non, nous n'avons ni le temps ni la place de faire cela. Cela dépend aussi des machines auxquelles ils correspondent. Dernièrement, nous avons reçu un Micral15 qui constitue une très belle pièce pour la collection. Nous avons reçu le moniteur d'origine en même temps, et là nous allons conserver l'ensemble. Malheureusement, nous n'avons pas la place de garder deux exemplaires de chaque moniteur. Sur les 600 pièces que nous conservons, les moniteurs ne sont même pas comptabilisés car ils sont considérés comme des accessoires au même titre que les claviers ou les souris. Pour la WDA, une pièce est une machine : une calculatrice, une console, un ordinateur ou encore un téléphone. Pour les moniteurs, nous essayons simplement de garder celui qui se trouve dans le meilleur état et qui pourra être conservé le plus longtemps. À l'heure actuelle, les moniteurs CRT16 constituent vraiment une problématique importante, car il est très compliqué de les figer. Pour la WDA, la machine est souvent plus intéressante que le moniteur et cela détermine nos priorités. Si la machine doit fonctionner pour un test, je pense qu'il sera toujours possible d'émuler ou de récupérer le signal vidéo afin de le réinterpréter sur des moniteurs plus récents ou avec des modes d'affichage qui existeront dans le futur. Cependant, même pour les ordinateurs nous devons faire des choix.

 

PACKED : Pour freiner la détérioration du tube que faîtes- vous ?

Mathieu Charreyre : Nous déchargeons le tube pour qu'il n'y ait plus de courant dedans.

 

 Un ordinateur HP85 datant du début des années 1980 et son petit tube cathodique en train d'être restauré.

 

PACKED : Comment conservez-vous la documentation liée aux équipements ?

Mathieu Charreyre : L'association a un serveur local qui contient des copies numériques de tous les schémas électroniques et de câblage que nous avons sous forme papier, ainsi que toute la documentation que nous récupérons directement sous forme numérique sur le web.

 

PACKED : Vous avez une bibliothèque virtuelle de documentation ?

Mathieu Charreyre : Oui nous gardons à la fois les versions numérisées et les versions papier. Pour la collection, nous tenons à conserver l'objet tel qu'il était vendu à l'époque avec tous les éléments d'origine. Cela comprend la boîte et les manuels lorsqu'ils étaient fournis avec les machines. Pour les ordinateurs Alice de Matra17 par exemple, nous conservons l'appareil avec tous les schémas techniques et électroniques qui étaient de base fournis avec la machine.

 

PACKED : Donc vous conservez la machine dans l'état dans lequel elle était vendu ?

Mathieu Charreyre: Oui nous n'enlevons ni n'ajoutons rien. Par exemple, les ordinateurs Oric Atmos18 se mettaient initialement en route dès qu'ils étaient branchés, et devaient ensuite être débranché pour être éteins. Plus tard, un petit commutateur électrique qui se plaçait entre l'Oric Atmos et l'alimentation était proposé en option, cependant l'ordinateur était de base toujours vendu sans. Malgré le fait que nous ayons récupéré plusieurs de ces commutateurs grâce au CEO19, nous ne les conservons pas avec les ordinateurs. Contrairement aux manuels, ils sont conservés à part.

 

 Un Oric Atmos dans son emballage d'origine.

 

PACKED : Les ordinateurs sont donc toujours stockés dans leurs boîtes d'origine ?

Mathieu Charreyre : Oui, et nous évitons d'empaqueter les boites les unes sur les autres car elles sont parfois fragiles. Dans le cas par exemple de l'Alice de Matra, que ce soit pour le 32 ou le 90, c'est le dessinateur français Moebius qui s'occupait du design des ordinateurs et de toute la charte graphique de la documentation. Les boites dans lesquelles ces ordinateurs étaient vendues étaient des sortes de valises rouges similaire aux valise Hilti dans lesquelles ils vendent leurs visseuses. Ce sont des boites solides, mais comme sur le dessus il y a un dessin de Moebius20, nous avons mis un cache pour le protéger et éviter d'éventuelles rayures. La résine utiliser pour fabriquer la boite n'est pas de très bonne qualité et donc nous l'avons emballé avec du cellophane pour tenter de freiner sa décomposition au maximum. Les manuels eux aussi sont sous cellophane à l'intérieur du paquetage original car le papier a tendance à attirer l'humidité. Nous l'isolons donc avant de le remettre dans le paquetage initial, qui va lui aussi être protégé par du cellophane.

 

PACKED : Quelles types de prestations la WDA effectue-t-elle pour d'autres collections ou personnes ?

Mathieu Charreyre : Il s'agit surtout de restauration. En 2007 par exemple en collaboration avec l'Aconit nous avons restauré des machines pour une publicité Renault. L'Aconit a fournit les équipements et nous notre savoir-faire pour la restauration des matériaux, car depuis 2005, nous avons effectué un grand nombre de test de restauration non agressive sur des matières plastiques, polymères et autres résines utilisés dans la fabrication des équipements. Nous utilisons des produits que nous avons testés sur des panels de plastiques et de résines sur une période de plus de dix ans. Il m'arrive par conséquent de faire de l'audit et de la restauration pour certaines collections privées.

Certaines autres collections d'ordinateurs ont mis en place des procédés de dé-jaunissement qui sont très agressifs pour les plastiques et qui accélèrent leur détérioration en deux ou trois ans. Le plastique retrouve sa blancheur, mais il devient tellement poreux et fragile qu'il se casse ensuite très facilement. Je pense malheureusement qu'il faut pouvoir accepter que certaines surfaces plastiques aient un peu jauni. C'est le cas pour les moniteurs Amstrad21, qui ont toujours été fabriqués avec du plastique de mauvaise qualité. Il faut bien sûr les restaurer lorsqu'on le peut, mais il est important que cela ne réduise pas leur durée de vie. Ce que nous essayons de faire à la WDA c'est de les figer au maximum dans le temps pour éviter d'avoir à intervenir par la suite.

 

 Opération de nettoyage d'une coque en plastique.

 

PACKED : Avez-vous aussi des techniques pour 'isoler' l'électronique ?

Mathieu Charreyre : Quand une machine rentre dans la collection, qu'il s'agisse d'un ordinateur, d'une console, d'une calculette ou d'un téléphone, nous isolons immédiatement tout ce qui peu être considéré comme étant combustible comme les condensateurs ou les accumulateurs. L'objectif est toujours d'essayer de figer les machines dans le temps.

 

PACKED : Qu'est ce que cela veut dire "isoler" un composant dans un ordinateur ?

Mathieu Charreyre : Dans le cas des condensateurs, cela veut dire les dessouder et pour les accumulateurs cela veut dire les retirer entièrement et les conserver à part de façon étanche. Le but est de faire en sorte qu'il n'y ait plus d'activité électrique dans l'appareil et que ce dernier soit protégé de tout vieillissement prématuré des composants. On peut ainsi par exemple éviter les fuites des piles alcalines qui peuvent créées des dégâts terribles en attaquant le plastique des machines. Il y a environ dix ans, nous avons perdu de très belles pièces à cause de cela. Un condensateur qui fuit peut aussi avoir des conséquences catastrophiques, lorsque le liquide attaque la résine des PCB22. Selon le type de résine, le plastique va alors devenir poreux, caoutchouteux, changer de couleurs, etc.

 

PACKED : Est-ce que tous les équipements ont droit à ce processus d'isolement des composants ?

Mathieu Charreyre: Certains types d'équipements sont moins problématiques comme les calculatrices et les téléphones mobiles par exemple. Cependant, nous avons tout de même eu des problèmes avec de vieux écrans à cristaux liquides qui fuyaient. À chaque fois, nous devons réfléchir à des solutions pour éviter ce genre de choses, mais c'est souvent au coup par coup, il n'y a pas une approche standardisée. Nous essayons de figer la machine au maximum, et lorsque l'appareil devra être utilisé, alors nous ressouderons les composants pour le remettre en état de23marche.

 

 Accumulateurs retirés dans une NeXT Station N1100.

 

PACKED : Il y a un grand nombre de condensateurs dans un ordinateur, lesquels enlevez-vous ?

Mathieu Charreyre : Ceux qui vont être les plus susceptibles d'être défectueux, par exemple tout ceux qui sont liés à la régulation du voltage des différents composants électroniques de l'ordinateur. Ils conservent toujours un peu de tension en eux et présente un risque potentiel. Parmi ceux-là, les accumulateurs sont les plus dangereux, c'est-à-dire les batteries et les piles, y compris celles qui sont soudées sur les cartes-mères. Un accumulateur qui n'est pas utilisé et qui est dans une machine va commencer à fuir en moins de dix ans. Cela quelle que soit la machine et quels que soient les conditions de stockage.

 

 Condensateurs défectueux dans une alimentation.

 

PACKED : Avez-vous aussi développé des stratégies pour les parties métalliques présentent dans les ordinateurs ?

Mathieu Charreyre : Nous avons travaillé sur différents procédés de restauration des métaux et des ferrites comme par exemple retirer la rouille. C'est quelque chose que nous avons fait avec l'Aconit, parce que c'est une problématique importante pour leur collection. Notre collection comprend surtout des pièces en plastique étant donné que les plus anciennes datent du début des années 1970. L'Aconit, en revanche collectionne des pièces qui pour certaines ont été produites durant les années 1950 et 1960. Mais l'IBM PS/124 par exemple n'est constitué que de métal et c'est aussi le cas des IBM PC des années 1980. La machine pèse près de 30 kilos et la rouille adore ce genre de métaux et constitue un des principaux problèmes. À chaque fois, pour les métaux, comme pour les plastiques, nous réalisons des tests.

 

PACKED : Quels autres type de problèmes rencontrez-vous ?

Mathieu Charreyre : Il y a aussi des problèmes au niveau des pièces mécaniques car dans les gros lecteurs de disques, il y a des courroies dont le caoutchouc devient poreux. Pour cela, il n'y a malheureusement pas vraiment de solutions. La WDA a une grande collection de modems, dont certains fonctionnent avec des membranes, car il s'agissait de modems acoustiques qui fonctionnaient sur le principe de la modulation. Ces membranes acoustiques dont l'intérêt était de réduire le bruit ambiant étaient en caoutchouc. Lorsque cela nous est possible nous essayons de les préserver en les mettant quasiment sous vide.

 

PACKED : Est-ce que cela veut dire que vous enlever les courroies qui se trouvent dans les lecteurs ?

Mathieu Charreyre : Oui, car sinon il y a un risque qu'après un certain temps elles fondent. Nous essayons de trouver deux ou trois autres courroies qui seront compatibles même s'il ne s'agit plus de courroies originales, pour cela les listes de références sont très utiles. Nous plaçons toutes les courroies dans du cellophane, puis elles sont rangées dans la boite avec la machine. Dans le cadre du maillage des collections, nous étions auparavant partenaire d'une association qui s'appelait CPC Hardware, et qui rassemblait alors le plus grand nombre de collectionneurs francophones d'Amstrad CPC. Au sein de cette association un véritable savoir-faire avait été développé concernant la restauration électromécanique des Amstrad CPC : l'électronique, les lecteurs de disquettes, de cassettes... Ils avaient récupérer des références pour les différents modèles et différentes évolutions de l'Amstrad CPC et acheté de grosses quantités de courroies à une usine en Allemagne qui en fabriquait avec la bonne tension et la bonne longueur, même si elles n'étaient pas à l'origine prévues pour les Amstrad.

 

 Un ordinateur Amstrad CPC 6128 restauré par la WDA.

 

PACKED : Des associations comme celle-là sont-ce que vous considérez comme de la spécialisation ?

Mathieu Charreyre: Oui, tout comme le Comité Européen Oric (CEO) spécialisée dans les ordinateurs Oric. Il y a trois Oric en tout : l'Oric Atmos, l'Oric-1 et l'Oric Telestrat. Les membres du CEO sont des experts dans ces ordinateurs ; ils ont entre cinquante et soixante ans, et ils les connaissent par cœur. Ils ont un électronicien qui se nomme Jean Boileau, et à chaque fois qu'un de nos Oric nécessite d'être maintenu, nous le lui confions au lieu de le 'bidouiller' nous-même. Il dessoude alors chaque composant et les teste un par un. Il dessoude aussi certains des chips et rajoute des supports afin de pouvoir par la suite les retirer de façon plus simple. Tous les chips et toutes les Eprom il les dessoude et leur ajoute des supports pour pouvoir les enficher plus facilement par la suite sur la carte. Tous nos Oric, ont été traités par le CEO de cette façon et tous les chips peuvent être isolés, y compris ceux qui contiennent la ROM. Nous préférons les confier aux spécialistes en se basant sur l'idée du maillage.

 

PACKED : En dehors de ces associations y a-t-il aussi des initiatives gouvernementales avec lesquelles vous collaborez ?

Mathieu Charreyre : Nous avons à plusieurs reprises assisté aux réunions des conservateurs du patrimoine numérique du CNAM, en qualité d'invité pour donner notre point de vue. La problématique qu'ils soulevaient alors, était comment être sûr que le matériel conservé dans le sous-sol du CNAM soit le même dans 50 ans. Je pense que non seulement, nous ne pourrons jamais en être sûr mais qu'en plus ce ne sera pas le cas. Ensuite, la BNF (Bibliothèque Nationale de France) s'est rapprochée de la WDA dans le cadre de ce qu'ils ont nommé 'l'acquisition du patrimoine vidéo culturel'. Cela concerne tout types de software : logiciels, jeux, drivers, etc. que nous leur fournissons régulièrement pour tous types de plateformes et sur tous type de supports qu'il s'agisse de cassettes, de bandes, de CDs, etc. La BNF nous transmet des request-list sur lesquelles nous nous basons.

La BNF est très stricte et veut vraiment tout conserver, y compris les protections anti-copie, etc. Vincent Joguin qui à été président de l'Aconit a développé Disk2FDI25, un logiciel qui permet de récupérer des supports issus de différentes plateformes : Apple, Amiga, etc. et d'en faire une archive contenant les données. Comme son nom l'indique, Disk2FDI fait des fichiers au format FDI. C'est un logiciel qui a été approuvé par la BNF et nous avons une licence complète qui nous est très utile, bien que nous en utilisions aussi d'autres afin de ne pas dépendre d'un seul standard.

 

PACKED : C'est un logiciel qui permet de récupérer des données depuis des supports différents ?

Mathieu Charreyre : C'est une plateforme logicielle et matérielle assez compliquée et restrictive dans le sens où il faut une machine d'un certain type et qu'il y a des clauses à respecter pour la conservation de ces données. Nous avons monté une machine type qui nous permet de récupérer les données d'une vingtaine de supports différents. Ces rips en FDI ont été pensés pour être les plus pérennes et portables possible. Vincent Joguin est très impliqué dans les questions de pérennisation et il collabore au projet européen KEEP26 auquel participe entre autres aussi la BNF et le CNAM et qui vise à la création d'un noyau d'émulation portable. L'idée de ce noyau, c'est de pérenniser au maximum les émulateurs existants et les solutions d'émulations futures. Cependant, les données initiales restent essentielles et il est important de s'en occuper, parce que les disquettes, les cassettes audio ainsi que les autres types de bandes, deviennent très vite défectueuses.

 

 L'ordinateur de la WDA nommé Agitator permettant de transférer les données contenues sur plusieurs types de supports obsolètes.

 

PACKED : Est-ce que le transfert et la récupération de données depuis d'anciens supports de stockage est un service que la WDA propose ?

Mathieu Charreyre : Oui, il y a trois semaines par exemple, nous avons récupéré des données qui étaient sauvegardées sur des disques Syquest 44Mo27. Nous possédons plus de deux cent lecteurs différents, et c'est quelque chose que l'on nous demande de faire de plus en plus régulièrement. Cependant il y a des supports comme certaines disquettes 8" qui sont très compliqués à transférer, parce qu'il y a plusieurs lecteurs 8" différents et aussi parce que selon la plateforme utilisé qu'il s'agisse de Datamaster IBM28 ou d'autre choses, des secteurs sont classés différemment. Les réglages prennent beaucoup de temps.

 

PACKED : Est-ce que la WDA participe souvent à des expositions en prêtant des équipements ?

Mathieu Charreyre : En 2007 nous avons pu réaliser une exposition 'l'Homme Nomade' à la Mairie de Boulogne qui comprenait un peu moins de 130 pièces. De façon général, nous ne faisons pas d'expositions lorsque nos exigences ne peuvent pas être remplies. Par exemple avoir un PVC ayant une épaisseur suffisante pour protéger les machines contre les rayons UV, qu'il n'y ait pas de lumière du soleil directement sur les ordinateurs ou que les machines soient disposées à une certaine distance du public afin que les gens ne puissent pas les toucher, etc. Malheureusement, toutes ces conditions peuvent rarement être respectées et dans ce cas-là je renvoie ces demandes d'exposition à d'autres collections que cela pourrait intéresser. L'idée de la WDA a toujours été de travailler de façon pérenne. Si nous collectionnons les machines depuis vingt ans, ce n'est pas pour que les machines cessent de fonctionner dans 10 ans.

 

PACKED : Est-ce qu'un musée ayant un problème avec un équipement peut contacter la WDA pour obtenir une machine, des pièces de rechanges, ou une assistance pour réparer un appareil défectueux ?

Mathieu Charreyre : Oui, la WDA propose des prestations de maintenance pour les particuliers et pour des sociétés. En plus de notre collection, nous possédons des millions de pièces détachées pour des équipements très différents. Grâce à notre longue expérience nous commençons à savoir que dans 60% des cas telle panne est la plus récurrente sur une certaine machine. Par exemple sur une génération particulière d'iMac G529 une panne connue se situe au niveau des condensateurs de ce que l'on appelle le VRM (Voltage Regulator Module). De la même manière chaque équipement à son talon d'Achille et dans le cadre de la collection nous mettons en place des stratégies de conservation préventive. Par exemple, les O2 de Silicon Graphics30 ont un clapet CD très fragile et nous l'isolons sur tous les exemplaires que nous conservons. En revanche, les condensateurs défectueux comme sur les iMac G5 sont simplement enlevés puis remplacés, car nous les considérons comme des éléments interchangeables.

 

 À gauche, un ordinateur O2 de Silicon Graphics.

 

PACKED : Certains techniciens ont tendance à penser qu'il est préférable de mettre les équipements sous tension de temps en temps, notamment pour conserver les condensateurs en bonne condition ?

Mathieu Charreyre : Oui, il y a effectivement plusieurs écoles, mais j'ai tendance à penser que si l'objet est inerte et que tout ce qui est en quelque sorte 'vivant' dans l'objet est retiré, alors cette inertie permettra de le préserver plus longtemps. Nous considérons les condensateurs comme étant des consommables, donc par sécurité je préfère les retirer. Les condensateurs, nous ne leur faisons par défaut pas confiance, bien que nous conservions quand même ceux d'origine une fois retirés. Les condensateurs ne sont pas des pièces rares et à part s'il s'agit de très gros condensateurs, il est toujours aisé de les trouver. En attendant, nous isolons les condensateurs des machines simplement pour éviter qu'ils ne vieillissent à l'intérieur et qu'ils ne les détériorent sérieusement. La fabrication joue un rôle très important dans le vieillissement des composants. Nous avons récemment reçu un stock d'ordinateurs provenant d'un cabinet d'assurance qui avait acheté des machines assemblées en Chine sans aucune marque. Les ordinateurs n'avaient que 5-7 ans et tous les condensateurs des cartes mères étaient défectueux. Dans un ordinateur similaire vendu par Dell à peu près à la même époque, les condensateurs sont souvent encore en parfait état, tandis que dans ceux- là, ils avaient littéralement explosés.

Olivier Lippmann : Les condensateurs chimiques sont les composants les plus susceptibles de voir leurs caractéristiques se dégrader dans le temps. En effet, à l'intérieur, il y a une sorte de liquide ou de gel acide et avec le temps ce produit finit par lentement s'évaporer car le joint en caoutchouc à travers duquel passe les connexions vieilli et n'est plus étanche. Dans le pire des cas, le liquide peut fuir et corroder les composants situés aux alentours ou attaquer les pistes du circuit imprimé.
Même sans être utilisé, un condensateur acheté neuf et stocké dans de bonnes conditions aura des problèmes après une trentaine d'années.

Il y a aussi des condensateurs secs constitués d'un isolant placé entre deux feuilles d'aluminium. Le tout est noyé dans une résine et est normalement complètement inerte. Sur plusieurs décennies cette résine finit par perdre ses qualités et suivant la fonction et l'emplacement de ce condensateur on peut être confronté à des dégâts importants causés par l'explosion du composant.
Pour un tutoriel sur le forum de la WDA j'avais réparé une alimentation et sur les photos on peut clairement voir que le condensateur est fêlé et qu'il a éclaté.

 

 Condensateurs de marque RIFA fêlés et défectueux provenant d'une alimentation d'Apple II.

 

PACKED : Est-ce que le fait qu'il soit mis sous tension peut participer à ce qu'il dure plus longtemps ?

Olivier Lippmann : Tout dépend de la manière dont il est utilisé, mais j'aurais plutôt tendance à penser que plus il y a de tension électrique et de courant qui circule dans le composant, plus il va souffrir et vieillir vite. C'est particulièrement vrai quand ce type de composant est utilisé dans des alimentations à découpages

 

PACKED : Est-ce que les condensateurs sont les composants les plus instables ?

Olivier Lippmann : Oui, en particulier lorsqu'ils sont utilisés dans des environnements à fortes puissances et/ou hautes fréquences (vidéo, alimentation, émetteur, etc.). Comparativement, une résistance ne bouge pas beaucoup, car il s'agit simplement de carbone ou de couches métalliques. Cependant, au bout d'un certain nombre d'heures d'utilisation, même les résistances qui ont une durée de vie impressionnante vont s'user si elles sont utilisées sous de fortes tensions ou intensités, c'est le cas dans les alimentations à découpage - c'est à dire toutes les alimentations d'aujourd'hui - qui sont petites mais qui sont soumises à de très fortes puissances. Il se produit de grands pics de courant et de tension qui finissent par user prématurément le composant. Dans des alimentations de fabrication médiocre, des résistances 1 à 2W sont parfois utilisées alors qu'elles doivent supporter 5W. Elles fonctionnent pendant six mois et finissent par bruler et se couper.
Quant aux circuits intégrés, cela dépend grandement de la façon dont ils ont été construits. Les vieux circuits intégrés ou les transistors, s'ils sont conservés au sec et sans électricité statique, peuvent être conservés très longtemps. En revanche j'ai déjà vu des pattes rouillées dans certains circuits de seconde zone faits à bas coûts.

 

PACKED : Après un certain temps les composants perdent leur équilibre en quelque sorte ?

Olivier Lippmann : Oui, tout a fait. Au départ le composant est prévu pour supporter un certain voltage ou une certaine intensité. Au fil du temps, celui-ci perd ses caractéristiques d'origine et supporte de moins grandes puissances puis finit par griller.

Mathieu Charreyre : Comme je le disais tout à l'heure, chaque machine à son talon d'Achille et pour améliorer notre connaissance les concernant, nous organisons des visu. C'est en en organisant une sur les Apple II31 que nous nous sommes par exemple aperçus qu'il y avait un problème dans les alimentations.

Olivier Lippman : Lorsque nous branchions les écrans, cela marchait un petit moment puis d'un seul coup, une petite fumée apparaissait et les plombs sautaient. Systématiquement, un condensateur de l'alimentation cesse de fonctionner du fait des forts courants qui le traversent. C'est un problème connu et récurrent des moniteurs Apple IIc qui était construit par un sous-traitant qui avait utilisé des composants ne respectant pas certaines normes. Dans le meilleur des cas cela fait sauter le disjoncteur, et dans le pire des cas cela brûle.

 

 Olivier Lippmann inculquant les rudiments de la soudure de composants lors d'une visu de la WDA.

 

PACKED : Est-ce que l'on pourrait dire que plus l'électronique devient petite et dense, plus l'équilibre au sein de la machine est difficile à conserver ?

Olivier Lippmann : Effectivement, plus les composants et circuits sont petits, plus leur fabrication est délicate et moins ils ont de tolérances. La miniaturisation a aussi pour conséquence de rapprocher tous les composants électroniques entre eux. Il y a vingt ans, un condensateur avec les mêmes spécifications qu'un condensateur fabriqué aujourd'hui était quatre fois plus gros. C'est la même chose pour les circuits intégrés, en 30 ans la densité d'intégration des circuits intégrés est passée de quelques milliers de transistors à plusieurs centaines de millions dans un espace identique ! En corolaire, les puissances requises pour alimenter ces circuits sont de plus en plus importantes elles aussi et il est aujourd'hui quasiment obligatoire de prévoir des dispositifs de refroidissement minutieusement conçus faute de quoi les circuits ne fonctionnent plus que quelques secondes avant de bruler.

Aujourd'hui, fabriquer un circuit intégré, relève de la chimie de haut vol parce que les distances entre les éléments sont minuscules, de l'ordre du nanomètre. Un processeur fabriqué il y a trente ans conservé dans de bonnes conditions marchera probablement sans problèmes dans trente ans, tandis que pour un processeur fabriqué aujourd'hui et conservé dans des conditions similaires je n'en mettrais pas ma main au feu. Il y a des métaux qui interagissent entre eux et un grand nombre de phénomènes chimiques qui se produisent. Si on compare cela à l'industrie automobile, une voiture construite il y a 50 ans était plus lourde et avait une habitabilité plus restreinte, mais elle était plus solide ou, en tout cas, très facilement réparable. Aujourd'hui, une voiture ne fonctionne guère que trois ou quatre ans sans connaître de problèmes. Une des raisons de cela est qu'il y a beaucoup d'électronique dans les voitures récentes et une voiture est soumise à des conditions d'humidité, de froid et de chaud qui créés des chocs thermiques et mécaniques de manière répétée qui stressent fortement les composants.

 

PACKED : Est-ce que les puces elles aussi varient dans le temps? Est-ce que l'information qu'elles contiennent peut disparaitre ?

Mathieu Charreyre : Jusqu'à présent nous avons constaté une durée de vie assez longue des chips. Il est rare que nous ayons des machines dans lesquelles la ROM32 ne fonctionne plus. Cela arrive, mais c'est rare. Comme ces types de composants sont sensibles à la lumière ainsi qu'à certains courants électromagnétiques, c'est la raison pour laquelle nous avons des dumps, c'est à dire des rips de ces ROM que nous conservons. Ensuite la chip elle-même peut être remplacée par une autre tant que la capacité et l'empattement sont identiques. Si on redescend le dump dessus cela fonctionne, le chip est uniquement un support, comme l'est une disquette.

 

PACKED : Une partie des problèmes que connaissent les équipements électroniques semblent liés aux conditions de stockage ? Où et comment sont stockées vos machines ?

Mathieu Charreyre : Entre les différentes dépendances, nous avons en tout environ 230m3 de stockage réparti dans plusieurs endroits. Certains dans le sud de la France, et certaines machines sont aussi réparties entre les différents membres de l'association. Les lieux de stockage sont aussi choisis en fonction du besoin imminent que nous pouvons avoir des pièces. Il ne faut pas que les espaces soient trop secs, mais il ne faut surtout pas qu'ils soient humides et il est donc bien évidement indispensable qu'ils soient protégés de tout type d'intempéries. Il est important que l'air circule et idéalement il faudrait que toutes les pièces soient posées les unes à côté des autres sans qu'elles se touchent, mais cela demande beaucoup de place.

 

PACKED : Comment la collection est-elle cataloguée ?

Mathieu Charreyre : Le site et le système de catalogage de l'association sont fait en PHP33 avec une base de donnée MySQL34, y compris le forum. Pour chaque entrée, il y a plusieurs champs : type, catégorie, numéro d'inventaire, condition, identité du donneur, s'il s'agit d'un swap, etc. Le nombre et le type de champs dépendent de la catégorie d'objets, c'est à dire s'il s'agit d'une console, d'un processeur, d'un ordinateur, d'un logiciel, d'un jeu, etc. Certains de ces champs sont visibles de l'extérieur lorsque l'on est visiteur du site web de la WDA d'autre ne le sont pas.

 

PACKED : Quels types d'informations ne sont pas accessibles au public ?

Mathieu Charreyre : Il s'agit par exemple des champs 'restauration', 'maintenance' ou 'nettoyage' parce qu'ils contiennent le nom de produits que nous utilisons qui ne sont accessibles qu'en interne par les membres de l'association. On y retrouve entre autre la date à laquelle un traitement à été commencé, achevé ou encore de quelle manière ; par ex. traitement de la rouille des vis, montage inachevé ou swap des ports, etc. Cela peut nous permettre entre autre de savoir si un plastique est endommagé après tel traitement.

Cependant, d'autres informations intéressant la restauration des machines sont disponibles. Par exemple le champ 'acquisition' regroupe les photographies des dons notables qui nous sont fait, c'est-à-dire ceux qui contiennent des objets intéressants. Ces photos, je les réutilise pour pouvoir comparer l'état avant et après restauration. Il y a aussi un lien entre certaines machines présentent dans la base et le forum s'il contient une ressource intéressante les concernant. Par exemple lorsqu'une restauration a été réalisée, je trouve cela intéressant de lier la description et la discussion correspondante du forum à la fiche de la machine.

 

 Capture d'écran du site web de la WDA.

 

PACKED : Cela représente une façon de conserver le savoir de la WDA. De quelle autre manière conservez-vous ce savoir?

Mathieu Charreyre :Je n'ai pas encore abordé la question du savoir comme une problématique prioritaire de la WDA étant donné que je n'ai que 35 ans mais il est vrai qu'il faudra s'en préoccuper. De temps en temps, nous avons des stagiaires à qui nous apprenons certaines choses, ce qui permet de transmettre une partie de notre expérience. Il m'arrive aussi d'enregistrer certains collectionneurs de machines avec mon dictaphone. Pour l'instant ce n'est pas une documentation très organisée, il s'agit simplement de fichiers audio qui sont regroupés sur le serveur de l'association. Par exemple, j'ai fait cela pour un collectionneur de TRS-8035 et pour un proche de la Fédération des Équipes Bull36, à qui j'ai posé plusieurs questions. Ces personnes commencent à être âgées et il serait dommage que leurs savoir-faire, leurs anecdotes, et ce qu'il peuvent nous dire de l'histoire qui entoure une machine ne soient pas documentés.

 

 

Notes:

 

  • 1. Voir : http://www.aconit.org
  • 2. Voir : http://www.silicium.org
  • 3. Voir : http://www.mo5.com
  • 4. Voir : http://www.cnam.fr
  • 5. Voir : http://www.bnf.fr
  • 6. Voir : http://www.cnrs.fr
  • 7. Voir : http://www.cite-sciences.fr
  • 8. Voir : http://www.bolo.ch
  • 9. La carte mère est un élément central dans l'architecture d'un ordinateur composé de circuits imprimés et de ports de connexion servant à interconnecter tous les autres composants tels que le processeur, la RAM, les cartes d'extension, le disque dur.
  • 10. Le Nintendo Entertainment System (en français : le système de divertissement de Nintendo), ou NES, est une console de jeux vidéo 8 bits du constructeur japonais Nintendo sortie en 1985 en Amérique du Nord et en 1986-1987 en Europe et en Australie. Son équivalent japonais est la Family Computer ou Famicom, sortie quelques années avant, en 1983. Le succès de la console fut énorme au Japon et en Amérique du Nord, ce qui aida à redynamiser l'industrie du jeu vidéo après le krach du jeu vidéo de 1983, et ce qui fixa les normes pour les consoles suivantes, du game design (le premier jeu moderne de plateforme, Super Mario Bros., était le premier jeu vidéo qui justifiait l'achat de la console à lui tout seul, c'est un killer game) aux procédures de gestion. La NES est également la première console pour laquelle Nintendo alla au-devant des développeurs tiers. Source : Wikipédia.
  • 11. Les Game & Watch sont des jeux électroniques de poches produits par la société Nintendo de 1980 à 1991, ils font également office de montres et de réveils. Source : Wikipédia.
  • 12. Olivetti S.P.A. est un fabricant italien d’ordinateurs, d'imprimantes et d’autres équipements de bureau. La société a été fondée en tant que fabricant de machines à écrire en 1908 à Ivrée, près de Turin, par Camillo Olivetti. Source: Wikipédia.
  • 13. Dell Optiplex est la gamme professionnelle d'ordinateurs de bureaux vendue par la marque Dell. Source : Wikipédia.
  • 14. L'iMac G3 est le premier modèle d'iMac, famille d'ordinateurs tout-en-un conçu et produit par Apple Inc. à l'époque Apple Computer. L'iMac G3 combine dans un seul et même boîtier, un écran 15 pouces et une unité centrale. Initialement uniquement disponible en bleu dit bondi blue, il est plus tard disponible en d'autres couleurs. L'iMac est livré avec un clavier et une souris s'accordant avec la couleur du boitier. Source : Wikipédia.
  • 15. Le Micral est une série de micro-ordinateurs produits par la société française Réalisation d'Études Électroniques (R2E). Le premier modèle, le Micral N à été produit dès le début de l'année 1973. Source: Wikipédia.
  • 16. Un tube cathodique ou CRT (Cathode Ray Tube) est un tube à vide contenant un canon à électrons et un écran fluorescent. Lorsque le faisceau d’électrons, accéléré et dévié grâce à des dispositifs internes ou externes, atteint l’écran fluorescent, de la lumière est émise et forme des images. Celles-ci peuvent représenter des ondes électriques (oscilloscopes), des images télévisées (télévisions, écrans d’ordinateurs) ou des cibles radar, entre autres.
  • 17. Alice est un micro-ordinateur fabriqué par l'entreprise française Matra-Hachette, vendu à partir de 1983. C'est un clone d'un micro-ordinateur américain de la firme Tandy, le MC-10. Source : Wikipédia.
  • 18. 18 L’Oric Atmos est le successeur de l’Oric 1 et possède des caractéristiques presque identiques. La principale différence avec l’Oric 1 est le clavier et le ROM débogué (l’ORIC 1 présentait plusieurs bogues). Malgré des améliorations, le système de chargement par cassette reste très peu fiable. Le clavier véritablement mécanique est une réelle amélioration. Deux versions sont disponibles, avec 16 ou 48 Ko de RAM. La version 16 Ko ne pouvant être remise à niveau, très peu d'exemplaires furent vendues. Source: http://www.old-computers.com.
  • 19. CEO est l'acronyme du Club Europe Oric. Voir : http://www.oric.org
  • 20. Mœbius est le pseudonyme de Jean Giraud, un dessinateur et scénariste de bande dessinée français. Source : Wikipédia.
  • 21. Amstrad est une entreprise informatique créée par Alan Michael Sugar au Royaume-Uni, et basée à Brentwood dans l'Essex, Angleterre. Le nom est une contraction de Alan Michael Sugar TRADing. Dans les années 1980, l'entreprise a lancé la gamme d'ordinateurs personnels populaires Amstrad CPC au Royaume-Uni, en France et en Allemagne, et aussi la gamme d'ordinateurs professionnels Amstrad PCW, qui fut principalement un interpréteur sous le système d'exploitation CP/M. L'entreprise s'est adaptée avec le temps et a produit par la suite une gamme d'ordinateurs personnels bon marché tournant sous MS-DOS, dont le premier était le Amstrad PC-1512. Source : Wikipédia.
  • 22. Un circuit imprimé (le sigle PCB de l'expression en anglais « Printed Circuit Board » est également utilisé) est un support, en général une plaque, permettant de relier électriquement un ensemble de composants électroniques entre eux, dans le but de réaliser un circuit électronique complexe. On le désigne aussi par le terme de carte électronique. Il est constitué d'un assemblage d'une ou plusieurs fines couches de cuivre séparées par un matériau isolant. Les couches de cuivre sont gravées par un procédé chimique pour obtenir un ensemble de pistes, terminées par des pastilles. Le circuit imprimé est souvent recouvert d'une couche de vernis coloré qui protège les pistes de l'oxydation et d'éventuels courts-circuits. Les pistes relient électriquement différentes zones du circuit imprimé. Les pastilles, une fois perforées, établissent une liaison électrique, soit entre les composants soudés à travers le circuit imprimé, soit entre les différentes couches de cuivre. Dans certains cas, des pastilles non perforées servent à souder des composants montés en surface. Source : Wikipédia.
  • 23. Voir : http://www.aconit.org
  • 24. L’IBM PS/1 est l’appellation d’une série de micro-ordinateurs qui marqua le retour d’IBM sur le marché de l’ordinateur personnel, cinq ans après l’IBM PCjr. Il est remplacé par l’IBM Aptiva en Septembre 1994. Source: Wikipédia.
  • 25. Disk2FDI est un shareware fonctionnant sous DOS qui permet de créer des fichiers d’Image Disque Formatée (FDI) depuis une disquette réelle. Voir : http://www.oldskool.org/disk2fdi
  • 26. Voir : http://www.keep.eu/keep/
  • 27. (SyQuest Technology, Inc., Fremont, CA) Fabricant de lecteurs de disques portables, fondé en 1982 par Syed Iftikar (Sy’s Quest), SyQuest Technology, Inc., fabrique dans un premier temps des disques 3,9" pour le domaine militaire et introduit son premier disque 5,25" en 1986, devenant de ce fait le pionnier du disque dur portable pour ordinateur personnel. Ses disques deviendront la référence dans les industries de l’infographie et de l’imprimerie avec un demi-million d’unités vendus jusqu’en 1994. SyQuest introduit par la suite plusieurs nouveaux disques, qui seront tous incompatibles avec sa première génération de lecteurs et incompatibles entre eux. Source: Wikipédia.
  • 28. Le System/23 Datamaster (Model 5322) est commercialisé par IBM en Juillet 1981, un mois seulement avant l’IBM PC. Le Datamaster est un ordinateur tout-en-un avec un moniteur cathodique en mode texte, un clavier, un processeur, de la mémoire et deux lecteurs de disquette 8” contenus dans une seule unité. Source: Wikipédia.
  • 29. L’iMac G5 est une gamme d’ordinateurs Macintosh de bureau conçus et fabriqués par Apple Inc. utilisant des processeurs PowerPC. C’est la dernière famille d’ordinateurs iMac à utiliser un processeur PowerPC, ce qui en fait le dernier iMac à pouvoir exécuter des applications Mac OS 9 (Classic). Source: Wikipédia.
  • 30. La SGI O2 est la station de travail d'entrée de gamme de Silicon Graphics, construite entre 1997 et 2001. La SGI O2 est reconnaissable par son boitier bleu aux contours arrondis. Sur la face arrière Il y a un slot pour la carte-mère, et 4 slots d'extensions. Sur la face avant il y a le tiroir du lecteur de CD-ROM et des connecteurs audio sont sur le côté. Destinée aux professionnels de l'imagerie, elle est équipée d'un puissant adapteur graphique, et on peut y ajouter une carte pour enregistrer de la vidéo. La SGI O2 n'a pas de lecteur de disquette. Source : Wikipédia.
  • 31. L’Apple II est un ordinateur personnel 8-bit, l’un des premiers grands succès de la fabrication de micro-ordinateurs à grande échelle, principalement conçu par Steve Wozniak, produit par Apple Computer (aujourd’hui Apple Inc.), il est sorti en 1977. Il s’agit du premier modèle d’une série d’ordinateurs qui seront produits jusqu’à la fin de la série Apple IIe en novembre 1993. Source: Wikipédia.
  • 32. La Mémoire Morte (en anglais: ROM ou Read-Only Memory) est une catégorie de supports de stockage utilisés dans les ordinateurs ou d’autres équipements électroniques. Les données stockées dans la ROM ne peuvent être modifiées, ou ne peut être modifiée que très lentement ou difficilement, et elle est principalement utilisée pour distribuer des firmware (des logiciels qui sont étroitement liés à un équipement spécifique, et qui n’auront probablement pas besoin de mises à jour fréquentes). Source: Wikipédia.
  • 33. Le PHP est un langage de scripts côté serveur, initialement conçu pour le développement de sites Web pour la production de pages Web dynamiques. Il est parmi les premiers langages de scripts côté serveur à être développés pour être intégré dans un document source HTML, plutôt que de faire appel à un fichier externe pour le traitement de données. Au final, le code est interprété par un serveur avec un module de traitement PHP qui génère la page Web. Source: Wikipédia.
  • 34. MySQL est un système de gestion de base de données (SGBD). Selon le type d'application, sa licence est libre ou propriétaire. Il fait partie des logiciels de gestion de base de données les plus utilisés au monde, autant par le grand public (applications web principalement) que par des professionnels, en concurrence avec Oracle et Microsoft SQL Server. Source : Wikipédia.
  • 35. Le TRS-80 est un micro-ordinateur construit par Tandy RadioShack. Source : Wikipédia.
  • 36. Voir : http://www.feb-patrimoine.com
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