Entretien avec Pip Laurenson (Tate)

Tate London, Londres, (22 mars 2010).

 

Pip Laurenson dirige le département de Time-Based Media Conservation de la Tate, à Londres. Emanuel Lorrain (Packed VZW) l’a interrogée sur la gestion des équipements faisant partie des œuvres médiatiques de la collection de la Tate. Dans cet entretien, Pip Laurenson aborde les différents problèmes auxquels est confrontée son équipe concernant le catalogage, la maintenance, l’entreposage, le savoir-faire technique et les stratégies élaborées pour faire face à l’obsolescence des équipements de lecture et de monstration. Elle est brièvement rejointe par sa collègue Tina Weidner, conservatrice d'art médiatique à la Tate.

 

Packed : Comment êtes-vous arrivée à la Tate ? De manière plus générale, qu’est-ce qui vous a amenée à travailler dans la conservation d’œuvres médiatiques?

Pip Laurenson : J’ai suivi une formation de trois ans en conservation de sculptures polychromes, en bois et en pierre. Ensuite, je suis entrée à la Tate comme stagiaire en conservation des sculptures grâce à une bourse de la Fondation Henry Moore1. C’est au cours de ce stage que j’ai commencé à travailler avec des œuvres d'art médiatiques. À l’époque, la Tate venait d’acquérir une pièce de Bruce Nauman, Violent Incident2. Lorsque je me suis penchée sur cette acquisition, j’ai réalisé que nous n’avions pas de méthode pour conserver correctement les œuvres de ce type. C’est là que j’ai commencé à faire des recherches, puis j’ai eu la chance de remporter une bourse de voyage du Gabo Trust3. De là, un poste a été créé dont l’intitulé, à l’origine, était Sculpture Conservator for Electronic Media. Plus tard, dans la période qui a précédé l’ouverture de la Tate Modern, deux autres postes ont été ouverts : un poste supplémentaire de conservateur et un poste de technicien. Enfin, en 2004, une section entièrement consacrée aux œuvres médiatiques a été mise en place au sein du département de conservation de la Tate.

 

Packed : Quelles sont vos missions à la Tate ?

Pip Laurenson : En tant que responsable du département de Time-Based Media Conservation, mon travail est de diriger l’équipe de conservateurs et de techniciens chargés, d’une part, de mettre au point des stratégies de préservation pour les œuvres médiatiques de la collection principale de la Tate et, d’autre part, d’élaborer le programme. Par programme j’entends l’ensemble du travail réalisé pour les accrochages, les expositions, les prêts, les acquisitions et la gestion de la collection en général.

 

Packed : Combien de personnes travaillent dans le département de Time-Based Media Conservation ?

Pip Laurenson : En plus de moi-même, il y a deux autres conservateurs d’œuvres médiatiques et un technicien conservateur. Tina Weidner s’occupe des expositions et des accrochages. Elle participe un peu au travail d’acquisition et de gestion de la collection, mais sa fonction principale est celle de personne ressource pour les expositions et les accrochages d’œuvres médiatiques. Patricia Falcao, qui remplace Kate Jennings, actuellement en congé de maternité, est en charge des acquisitions et des prêts. Avant cela, Patricia était stagiaire et retrouvera ce statut pour un peu moins d'un an quand Kate Jennings reprendra son poste. Il y a encore Lee Cavaliere, notre technicien conservateur. Mentionnons enfin Frederico Fazenda Rodrigues, qui travaille en ce moment dans une structure indépendante pour les acquisitions récentes. L'acquisition de nouvelles œuvres représente environ 50 % de notre activité, c’est une part très importante de notre travail.

 

Packed : De combien d’œuvres avez-vous la charge ?

Pip Laurenson : Actuellement, nous avons presque quatre cents œuvres. Historiquement, la Tate n’a jamais acquis de pièces monobande4, mais des installations plus complexes. Notre collection est certes de petite taille, mais elle est constituée d’œuvres complexes.

 

Packed : Comment les contenus vidéo sont-ils conservés ?

Pip Laurenson : Le contenu de la collection a été transféré sur d’autres supports. Un programme de migration est en place depuis 1994. Tout est actuellement sur D55. Dès la fin de la semaine prochaine, le système Ingex6 devrait être installé et permettra de tester notre futur plan de migration. Ce système a été développé par la BBC7 et nous espérons le mettre à profit au niveau des archives. Nous travaillons là-dessus avec le département d'électronique et d'électricité de l’University College de Londres. Ce système devrait permettre d’encoder des vidéos de manière non compressée8 en utilisant l'encapsuleur open source9 MXF10, puis de les stocker sur LTO11.

 

Les rayonnages pour l'entreposage des vidéos

 

Packed : Comment gérez-vous les équipements de ces œuvres complexes ?

Pip Laurenson : Outre notre équipe de conservation des œuvres médiatiques, il existe une équipe spécialisée dans l’accrochage avec qui nous travaillons. Ce sont eux qui effectuent le travail de maintenance, sur le terrain, pour les différentes pièces exposées. Ils collaborent également avec les commissariats d’expositions et avec l’administration concernant les nouvelles commandes et les emprunts, qui proviennent souvent des artistes eux-mêmes. La Tate dispose de deux réserves d’équipements. L’une est utilisée pour les emprunts et l’autre regroupe les équipements de la collection. Cette dernière est divisée en trois catégories, puisque chaque œuvre a un rapport particulier à la technologie qu’elle utilise ; notre rôle consiste notamment à bien comprendre ce rapport afin de le gérer de façon appropriée. Les équipements assez ordinaires, comme les lecteurs DVD12, par exemple, peuvent être utilisés pour quantité d’œuvres différentes. Les éléments d’une installation qui ont été spécialement modifiés par l’artiste, comme les moniteurs de l’œuvre de Gary Hill13 Between cinema and a hard place14, sont exclusivement réservés à celle-ci. Entre ces deux catégories, il y a une série d’équipements intermédiaires — généralement des projecteurs de diapositives ou de films — qui sont destinés et absolument essentiels à un ensemble d’œuvres défini. Par exemple, pour certaines œuvres de James Coleman15 comme Charon (MIT Project)16, il faut impérativement utiliser un type précis de projecteur de diapositives. Ces équipements sont donc affectés à un plus grand nombre d’œuvres. Cela dit, il est possible que, avec le temps et si certaines technologies se font plus rares, des équipements ordinaires deviennent plus importants, plus essentiels pour un groupe d’œuvres particulier. Si un appareil est tout à fait banal au moment où l’œuvre a été acquise, mais qu’il devient important à l’égard d’un ensemble d’œuvres parce qu’il commence à être obsolète, nous pouvons décider de réserver cet élément exclusivement à ces œuvres-là. C’est un système assez flexible qui nous aide à prendre des décisions concernant la gestion des équipements.

 

Packed : Le plus haut degré de ce système étant un appareil dédié à une seule œuvre ?

Pip Laurenson : Oui, je suppose qu’on peut l’appeler « niveau un » ou quelque chose du genre. Il s’agit des équipements que nous n’utiliserions jamais pour une autre œuvre. Le « niveau deux » englobe le matériel affecté à un certain groupe d’œuvres parce qu’il leur est indispensable et qu’il se raréfie. Enfin, le « niveau trois » regroupe les appareils tout à fait courants.

 

Packed : Ces équipements de « niveau trois » sont-ils utilisés pour autre chose que la monstration des œuvres de la collection, comme la numérisation des bandes, par exemple ?

Pip Laurenson : Non. Il se peut que nous les utilisions pour vérifier l’état d’une œuvre. Si, par exemple, nous avons besoin d’une entrée SDI17, il nous arrive de nous en servir temporairement, mais ce n’est jamais mis à la disposition d’autres départements. Cela restera toujours dans le cadre de la gestion de la collection. Il peut arriver également que l’équipe chargée de l’accrochage emprunte un lecteur DVD pour une œuvre qui nous est prêtée, par exemple. La flexibilité est beaucoup plus importante pour ce type de matériel.

 

Packed : Vous mentionnez les équipements utilisés pour les prêts entrants, pourriez-vous nous en dire plus ?

Pip Laurenson : En fait, il existe une réserve d’équipements utilisés pour les œuvres que la Tate emprunte. Bien que nous prêtions beaucoup de pièces à d’autres musées, nous en empruntons très peu à d’autres collections. La plupart des œuvres concernées sont directement cédées par l’artiste ou, parfois, ce sont des commandes. L’équipe responsable de ces œuvres dispose d’une réserve d’équipements spécifique. Comme ils ne travaillent pas sur le long terme, en termes de préservation, la gestion de ces appareils est différente.

 

Packed : Lorsque vous prêtez une œuvre, les équipements sont-ils inclus ?

Pip Laurenson : Nous prêtons une quantité assez considérable d’œuvres médiatiques à d’autres musées. Que les équipements soient fournis avec l’œuvre ou non dépend fortement de celle-ci et de la nature du prêt. Nous essayons d’éviter de prêter du matériel parce que cela nous prend beaucoup de temps. Mais il est clair que certaines œuvres nécessitent des appareils bien précis que les autres institutions ne peuvent pas trouver sur place. Et certains appareils sont parfois fabriqués ou modifiés tout spécialement pour une œuvre ; ceux-là doivent être prêtés. Cela dépend vraiment du type de matériel et de l’œuvre. Il existe au Royaume-Uni un organisme appelé National Partnership. C’est un groupe de musées qui ont conclu un partenariat avec la Tate et que nous avons décidé de soutenir pour qu’ils puissent exposer davantage d’œuvres plus délicates à montrer. Nous devons parfois leur prêter du matériel dans ce cadre-là.

 

Packed : Le fait de devoir fournir du matériel peut-il être une raison de refuser de prêter une œuvre ?

Pip Laurenson : Tout cela fait partie du processus de négociation qui suit toute demande de prêt. Premièrement, les requêtes doivent être soumises à la Tate au moins six mois à l’avance. Cela s’applique à toutes les œuvres de la collection. Ces requêtes sont ensuite examinées par le comité des prêts. Si un accord intervient pour accéder à la demande, en principe la question des équipements est toujours abordée. À ce stade, on clarifie les termes du partenariat. C’est seulement le début des négociations. Dans certains cas, il est plus intéressant pour l’institution de louer l’équipement de monstration sur place, parce que l’expédition de matériel à l’autre bout du monde peut coûter très cher. Nous devons simplement nous assurer qu’ils peuvent trouver les équipements adéquats et qu’ils ont les moyens de gérer ce prêt correctement. Au final, nous sommes responsables de ce que l’œuvre soit exposée telle que l’artiste l’a voulu.

 

Packed : Dans quel type d’espace les équipements sont-ils entreposés ?

Pip Laurenson : Tout le matériel est stocké dans les mêmes entrepôts que les œuvres, qui ont une humidité relative18 de 45 % et une température de 18 °C.

 

Les magasins d'œuvres de la TATE modern.

 

Packed : Sur quel genre d’étagères ?

Pip Laurenson : Des étagères métalliques.

 

Packed : Le lieu et les conditions de stockage sont-ils les meilleurs que vous puissiez imaginer pour ces équipements ?

Pip Laurenson : Oui, je pense ; à moins de commencer à songer à des techniques très sophistiquées comme l’emballage sans oxygène. De meilleures boîtes de transport ne feraient pas de mal à certaines pièces.

 

Packed : Les équipements sont-ils rangés avec d’autres éléments de l’installation à laquelle ils appartiennent ?

Pip Laurenson : Non, notre système de gestion de la collection nous permet de suivre individuellement chaque élément grâce à un numéro de composant unique. En fait, chaque appareil possède son propre numéro de référence dans la collection. On leur donne un numéro EQ19 plutôt qu’un numéro de composant, comme pour les œuvres d’art, justement parce qu’ils peuvent être utilisés pour différentes pièces, selon leur statut.

 

Les équipements sur les rayonnages dans les magasins d'œuvres.

 

Packed : Même pour les équipements de « niveau un » ?

Pip Laurenson : Les équipements de « niveau un » sont des cas un peu particuliers. Parfois, ils seront répertoriés comme composants et comme équipements. Sur le plan de la maintenance, il est important de donner à chaque appareil un numéro EQ. C’est une question de cohérence.

 

Packed : En cas de stockage de longue durée, vous arrive-t-il de retirer certaines pièces d’un appareil, comme les courroies ou les ressorts de lecteurs vidéo, par exemple ?

Pip Laurenson : La seule chose que nous retirons pour le moment, ce sont les batteries, parce que nous savons qu’elles causent des problèmes. Nous envisageons d’élaborer une stratégie de maintenance plus pointue, pour nous assurer par exemple que certains appareils soient allumés une fois par an. Mais nous n’avons jamais eu de soucis avec les courroies. Nous n’avons pas beaucoup de lecteurs vidéo ; pour les appareils de lecture des œuvres vidéo, nous faisons appel à des firmes spécialisées. Nous n’avons pas de lecteurs de bandes ici. Les anciens équipements de lecture vidéo, c’étaient surtout des lecteurs Laserdisc20, et il me semble que nous avons également quelques lecteurs VHS21. Très peu d’œuvres nécessitent des équipements anciens précis. Par exemple, nous avons deux lecteurs U-matic22 ¾ de pouce qui font partie d’une œuvre. C’est davantage pour leurs propriétés sculpturales que pour leur qualités techniques que nous les conservons, et l’artiste accepterait probablement que la vidéo soit montrée depuis une autre source, comme un lecteur à mémoire flash dissimulée dans un boîtier U-matic. En revanche, il y a beaucoup de courroies dans nos projecteurs de films et je dois dire qu’actuellement, ces projecteurs sont utilisés sans arrêt, mais ça pourrait changer. Il faudrait peut-être développer cet aspect-là.

 

Packed : Tenez-vous à jour un inventaire détaillé de tous les équipements ?

Pip Laurenson : Oui, et nous en sommes assez fiers, parce que ça représente beaucoup de travail ! Cela fait partie du système de gestion de la collection de la Tate : le TMS, The Museum System23. Le MoMA l’utilise également ; c’est un système assez répandu. Nous avons 1 623 éléments dans la catégorie EQ. Différents types d’informations sur les équipements y sont répertoriés, comme l’emplacement actuel et passé d’un projecteur, par exemple. Il y a un certain nombres de critères de recherche : le fabricant, le modèle, les dimensions de l’appareil lorsqu'il estemballé et lorsqu'il ne l'est pas, les accessoires qu’il partage avec d’autres, etc. Nous gardons tous les modes d’emploi et les manuels d’entretien des équipements de monstration. Dans certains cas, nous insérons ces documents dans le TMS, mais dans d'autre cas, c’est impossible comme par exemple pour les projecteurs CRT D5024, dont les notices techniques sont rangées dans un grand classeur. Lorsque nous disposons de copies électroniques des manuels, nous les intégrons au TMS.

 

Packed : Les copies papier des manuels et notices techniques sont liés aux équipements. Comment les localisez-vous s’ils ne sont pas numérisés ?

Pip Laurenson : Grâce au numéro EQ. Nous avons créé un dossier pour chaque type d’appareil. Ces dossiers contiennent toutes les archives sur l’appareil, des copies papier des modes d’emploi, et de la documentation. Toutes ces informations ne doivent pas sortir du dossier. Les données les plus précieuses sont celles qui concernent le contrôle technique des équipements.

 

Packed : Cela comprend-il un registre de maintenance ?

Pip Laurenson : Oui. Quoi qu’il arrive, c’est consigné, notamment en ce qui concerne l’entretien du matériel, qui est suivi en détail. Toutes les réparations sont enregistrées

 

Packed : Comment est gérée la maintenance ?

Pip Laurenson : Chaque fois qu’un élément est retiré d’une exposition, un entretien a lieu, afin qu’il soit en état de marche la prochaine fois que nous en avons besoin. C’est indispensable. En général, les œuvres restent accrochées de six mois à un an — plutôt un an. C’est assez long. Des pièces de rechange doivent être disponibles pour toutes les œuvres exposées. Il est tout à fait possible, durant cette période, que certains appareils soient régulièrement remplacés par d’autres le temps qu’ils soient entretenus. Lorsqu’une œuvre est exposée, un important travail de maintenance doit être effectué avant l’ouverture des salles. Tout ça est planifié dans le cadre du programme d’accrochage. L’essentiel de l’entretien est effectué lorsque l’équipement est utilisé. Ce que nous devons organiser à présent, c’est une stratégie de maintenance pour le matériel en réserve : faut-il allumer de temps en temps les tubes cathodiques25, etc.

 

Packed : Qui est responsable de tout ça ? Quelqu’un de la Tate ou un collaborateur externe ?

Pip Laurenson : C’est notre équipe qui s’en occupe, en particulier Lee Cavaliere, notre technicien conservateur. Si Lee ne peut pas prendre en charge l’entretien ou la réparation en interne, il nous arrive de confier du matériel à des entreprises extérieures. Par exemple, nous avons eu des problèmes avec un lecteur DVD Pioneer, dont la lecture en boucle ne fonctionnait plus. Dans un cas comme celui-ci, nous nous contentons généralement de le faire réparer par Pioneer. La plupart des entreprises sont présentes au Royaume-Uni ; c’est l’avantage d’être situé à Londres. Soit on peut directement envoyer l’appareil défectueux à la compagnie, si elle n’est pas trop loin de Londres, soit celle-ci aura désigné une autre firme pour prendre en charge la réparation de ses produits. Cela dit, nous faisons de plus en plus de réparations en interne. Nos compétences en matière de réparation des projecteurs de films et de diapositives se sont considérablement améliorées. Lee Cavaliere et Tina Weidner connaissent extrêmement bien ces appareils. Il est très rare que nous devions les faire réparer par quelqu’un d’autre. La maintenance quotidienne dans les galeries est un travail collectif, mais dont la plus grande partie est effectuée par l’équipe en charge de l’accrochage.

 

Les classeurs contenant la documentation des œuvres.

 

Les classeurs contenant la documentation des œuvres.

 

Packed : Qu’en est-il des écrans à tube cathodique ?

Pip Laurenson : Il fut un temps où des spécialistes des tubes cathodiques, qui travaillaient avec les principaux fabricants et qui sont aujourd’hui à la retraite, venaient nous aider ponctuellement. Nous leur demandions de se joindre à nos équipes pendant un jour ou deux, ce qui a permis à nos conservateurs et à nos techniciens de perfectionner leurs connaissances. À une époque, nous étions capables de remplacer les tubes des projecteurs CRT26 en interne. Nous ne changions pas les tubes des moniteurs, mais dans le cas des projecteurs, c’est un peu plus simple. Aujourd’hui, ces connaissances sont compromises, parce que nous ne possédons pas assez d’œuvres de ce type pour bien maîtriser ces techniques. Il y a quelque temps, ce genre de travail ne posait de problèmes à personne, parce qu’il y avait suffisamment de tubes cathodiques à remplacer et de projecteurs CRT à réparer pour ne pas perdre la main. Si nous devions le faire maintenant, nous ferions probablement appel à quelqu’un pour mettre tout le monde à niveau. C’est le problème des vieilles technologies ; très vite, on n’est plus habitué à les manipuler.

 

Packed : Quels équipements demandent le plus de soins ? Quelles sont les technologies les plus menacées ?

Pip Laurenson : Je dirais que les projecteurs de films en 16 mm27 sont les appareils qui tombent le plus souvent en panne ; sans doute parce que nous les utilisons beaucoup actuellement. Mais aussi parce que ce sont des systèmes mécaniques, qui exigent une grande précision dans les réglages pour fonctionner correctement. Ensuite, il y a les projecteurs de diapositives, qu’on répare un peu « par amour de l’art », parce qu’ils représentent un énorme travail de maintenance. Les projecteurs de films et de diapositives, pour le moment, sont encore pris en charge par des petites entreprises et des particuliers très compétents, et la plupart des pièces détachées, par miracle, sont toujours disponibles. Ce qui nous inquiète le plus, actuellement, ce sont les moniteurs à tube cathodique au format 4:328, comme d’ailleurs tous les appareils en 4:3. Les moniteurs LCD29 au format 4:3 se font de plus en plus rares. Les œuvres les plus problématiques sont donc celles qui requièrent des écrans à tube cathodique ou des moniteurs au format 4:3.

 

Packed : Cela veut-il dire que les projecteurs seront plus faciles à remplacer ?

Pip Laurenson : Dans la majorité des cas, oui, parce que le problème du rapport entre hauteur et largeur ne se pose pas. Concernant les projecteurs à tube cathodique, j’ai le sentiment que beaucoup d’artistes encore très attachés à cette technologie se mettront à utiliser les divers projecteurs hybrides30 qui sortent ces temps-ci. Le tube cathodique était souvent très apprécié pour les magnifiques contrastes qu’il pouvait produire ; c’est l’une des rares techniques de projection qui parviennent à donner un vrai noir. Mais les technologies récentes s’améliorent à cet égard et à celui du rendu des couleurs. Selon moi, ce sont les moniteurs qui nous causeront le plus de soucis, parce qu’ils ont une présence sculpturale qui leur est propre et à laquelle certains tiennent beaucoup. On ne peut pas montrer une œuvre au format 4:3 sur un moniteur au format 16:9 sans ajouter de bandes noires sur les côtés ni transformer radicalement l’image.

 

Packed : Conservez-vous beaucoup d’appareils et de pièces de rechange ?

Pip Laurenson : Oui, nous avons un stock de pièces détachées. Pour l’œuvre de Gary Hill Between Cinema and a Hard Place, par exemple, nous avons un certain nombre de moniteurs à tube cathodique de rechange, parce qu’elle en compte plusieurs de différentes tailles et qu’ils sont très importants pour la pièce. Notre stock de pièces de rechange pour projecteurs de films est sans doute le plus complet qui soit, en partie parce que c’est en interne que nous avons développé le plus de connaissances en ce qui concerne le fonctionnement et l’entretien de ce type d’équipements. Il y a tout simplement eu un grand nombre de films exposés dans nos musées pendant très longtemps. Cela nous a permis d’accumuler beaucoup d’expérience quant à ce qui est susceptible de tomber en panne, ce qui devra être remplacé. Pour les autres technologies, il nous intéresserait de faire des tests en matière de remise en état des tubes cathodiques.

 

Packed : Comment se déroule la transmission des connaissances sur les équipements à la Tate ?

Pip Laurenson : Nous essayons d’organiser des journées d’étude lorsque se présente une question majeure que nous devons tous mieux comprendre ou à propos de laquelle nous devons réfléchir ou discuter de la stratégie à adopter. Dans ces cas-là, il nous arrive de faire venir quelqu’un pour nous aider à faire le tour de la question ou à maîtriser un problème, une technologie. C’est un moyen pour nous de continuer à apprendre en tant qu’équipe. À l’époque où nous utilisions davantage de projecteurs à tube cathodique, quand quelqu’un intégrait l’équipe, une journée de formation était organisée pour lui avec un spécialiste. Tout le monde avait alors l’opportunité de consulter ce dernier et de s’offrir une petite remise à niveau sur les tubes cathodiques. La personne avec laquelle nous travaillons est très douée pour expliquer comment régler et entretenir un projecteur à tube cathodique dans les moindres détails. Notre équipe n’est pas très grande. En plus de nos réunions hebdomadaires, nous nous rencontrons régulièrement avec l’équipe en charge de l’accrochage à l’étage du dessous pour discuter des changements technologiques.

 

Packed : C’est également de cette manière que les différents départements communiquent ?

Pip Laurenson : Oui, et nous aimerions que cela s’intensifie. Il y a toujours de nouvelles choses à apprendre. Pour le moment, par exemple, nous nous intéressons au son surround31, à la vidéo haute définition32, etc. Nous prenons fréquemment part à des formations. La plupart des membres de notre équipe ont suivi un cours intitulé « Comprendre la technologie vidéo » donné par la firme VET à Hoxton Square, à Londres. Mites a consacré une journée à la HD à la FACT33 (Foundation for Art and Creative Technology), à Liverpool.

D’habitude, de telles démarches sont motivées par ce qu’on acquiert pour la collection ou ce qui est exposé à tel ou tel moment. Par exemple, Tina s’occupait récemment de l’accrochage de l’œuvre de Gustav Metzger34 Liquid Crystal Environnement, qui consiste en plusieurs projecteurs modifiés dont les diapositives contiennent des cristaux liquides. En fait, leur tension électrique varie, ce qui chauffe ou refroidit les cristaux liquides et fait évoluer les différentes formes projetées sur le mur. Cela fait maintenant longtemps qu’elle travaille sur cette œuvre et elle a appris énormément de choses en rapport avec celle-ci. Notre champ de compétences s’étend, mais chacun d’entre nous est responsable de le documenter. Si nous nous faisions tous renverser par un bus, il faudrait bien que quelqu’un d’autre soit capable de montrer ces œuvres. La documentation est un élément fondamental. Cela soulève plusieurs questions : comment transmettre les connaissances au sein de l’équipe ? comment les partager entre les différents départements et équipes de la Tate ? comment se tenir au courant des dernières technologies ? comment en apprendre davantage sur les anciennes technologies comme les projecteurs de films, par exemple ? et, enfin, comment documenter tous ces savoirs ?

 

Packed : Y a-t-il un département vidéo à la Tate ?

Pip Laurenson : Non. Il existe un service pédagogique qui subvient aux besoins des différentes équipes de la Tate en matière d’équipement audiovisuel — en installant un projecteur pour une réunion ou en les aidant à manipuler leurs appareils audiovisuels. Il y a aussi la Tate Media, qui fonctionne essentiellement autour du site web. Leur équipe a des compétences en vidéo ; ils préparent les contenus pour le Web, par exemple pour la diffusion de vidéos en ligne, et produisent et tournent des émissions. Il y a donc un certain nombre de personnes à la Tate qui ont de très bonnes connaissances techniques. Mais il y en a également beaucoup en dehors de la Tate sur qui on peut compter. Il nous paraît important de rester en contact avec ceux-là. Ça va des gens qui travaillent dans des entreprises commerciales ou des universités à ceux qui dirigent une petite société dans leur garage. Il est très important pour nous de trouver des personnes intéressées par les œuvres d’art et par les problèmes auxquels nous sommes confrontés au jour le jour, autant que de trouver des spécialistes en électronique !

 

Packed : Lorsque vous acquérez une installation, les équipements sont-ils fournis par l’artiste ?

Pip Laurenson : Non, ce n’est pas souvent le cas. Lorsqu’on envisage d’acheter une œuvre pour la Tate, l’acquisition est soumise à un « comité de collection » avant d’être approuvée par l’administration. Nous intervenons à ce stade en écrivant un rapport où nous analysons les coûts d’archivage et si l’œuvre requiert un appareil précis que notre réserve ne contient pas. Il est très rare que nous acquérions l’œuvre et les équipements sous forme de lot. Peu d’artistes fournissent leurs travaux comme des systèmes complets ; les studios de Gary Hill, de Bill Viola35 ou de Stan Douglas36, entre autres, ont les connaissances suffisantes pour le faire. Leurs œuvres comportent souvent des systèmes créés sur mesure et contrôlés informatiquement grâce à des composants précis, par exemple. Il peut arriver, pour les pièces de ce type, que les équipements ou une partie de ceux-ci soient inclus. Mais de manière générale, à cause de problèmes comme les garanties, etc., ce n’est pas une bonne idée de les obtenir directement de l’artiste. D’autre part, les galeries essaient souvent de revendre leurs équipements parce qu’elles les ont achetés uniquement pour montrer l’œuvre et qu’elles n’en veulent plus. Mais là encore, ce n’est pas forcément le matériel idéal, on ne dispose pas des garanties, il n’a peut-être pas été bien entretenu, etc. Nous essayons donc d’éviter d’acquérir les équipements en même temps que l’œuvre, sauf si c’est utile ou nécessaire d’une manière ou d’une autre.

 

Packed : Ou si c’est un élément difficile à trouver ?

Pip Laurenson : Oui, sauf si c’est très difficile à trouver. Quoique, dans ces cas-là l’artiste précise généralement qu’il s’agit d’un appareil rare et ne le fournit pas ; nous passons alors un peu de temps à le trouver sur eBay. Parfois, des éléments peuvent avoir été spécialement construits pour une œuvre, comme ceux dans Liquid Crystal Environment de Metzger. Cela peut être aussi parce que le studio de l’artiste a les compétences pour concevoir un système unique.

 

Objectifs et lentilles pour projecteurs dans leur boîte.

 

Packed : Achetez-vous également des pièces de rechange au moment de l’acquisition ?

Pip Laurenson : À vrai dire, nous en achetons seulement au moment où une œuvre est exposée. Dans le cas où un artiste utilise du matériel qui sera bientôt obsolète ou difficile à trouver, nous essayons de nous procurer des pièces de rechange au moment de l’acquisition. Sinon, nous attendons généralement que l’œuvre soit exposée. Nous disposons toujours de pièces de rechange pour les expositions. C’est indispensable, parce que les musées restent ouverts très longtemps. Mais c’est seulement à ce moment-là qu’on a tendance à les acheter.

 

Packed : Dans vos recherches de matériel rare, utilisez-vous surtout eBay ou existe-t-il d’autres moyens de s’en procurer ?

Pip Laurenson : Non, surtout eBay. Il nous arrive parfois d’en trouver ailleurs (pour certains éléments, nous avons des fournisseurs spécifiques), mais la plupart du temps c’est sur eBay.

 

Packed : Dans un article37 sur l’œuvre de Gary Hill Between Cinema and a Hard Place, vous écrivez que vous coopérez avec les fabricants pour les pièces de rechange. Quelle est leur position par rapport à ça ? Quelle collaboration est possible ?

Pip Laurenson : En fait, pour cette œuvre-là, cela s’est très bien passé. La plupart des fabricants nous ont beaucoup aidés. Quoique, à cette époque, je m’intéressais à des choses comme le temps moyen entre les pannes, à propos duquel ils ont été moins utiles. Ils veulent bien communiquer leurs données, mais pas ce qu’il y a derrière. Si on essaie de travailler sur l’intervalle entre les pannes, ils vous fourniront les taux de panne, puisqu’ils ont déjà fait tous les tests, mais ils ne vous diront rien sur la manière dont ils ont procédé. En réalité, l’expérience que notre équipe a accumulée ici, pendant les longues heures passées à manipuler du matériel, est probablement plus utile que n’importe quelles données théoriques. C’est pourquoi nous sommes si attentifs à notre documentation et à conserver ces données. Quoi qu’il en soit, j’ai eu beaucoup de contacts avec les fabricants au sujet de la pièce de Gary Hill. Ce en quoi ils m’ont été le plus utiles, c’est qu’ils m’ont mis en relation avec une série de gens responsables de l’entretien des moniteurs vidéo de la BBC. L’un des problèmes posés par l’œuvre de Gary Hill, c’est qu’il faut étalonner les moniteurs et régler la couleur, le contraste et la luminosité à chaque fois qu’elle est montrée. Je testais différents outils pour le faire et je ne m’en sortais pas du tout. J’étais parvenue à ce que tous les écrans donnent des résultats semblables sur un colorimètre pour tubes cathodiques, mais l’image n’était jamais pareille. Je suis donc allée voir cette équipe, puisque la BBC utilise le même genre de moniteurs, pour comprendre d’où venait le problème. Ils m’ont dit « oui, on fait ça, puis on l’ajuste jusqu’à ce que l’image soit bonne » ! En fin de compte, rien ne remplace l’œil humain ! D’autre part, Sony nous a offert un « sponsoring en nature » assez tôt, grâce auquel nous avons pu bénéficier d’un tas de connaissances. Très souvent, en tissant des relations privilégiées avec de tels acteurs, nous pouvons accéder non pas au niveau de la distribution grand public, mais au niveau de ceux qui fournissent les détaillants. Nous avons alors affaire à des gens qui connaissent bien mieux leurs produits. Avec eux, on peut entrer dans les détails techniques et ils peuvent nous fournir des manuels d’entretien, etc. On peut aussi obtenir des pièces détachées directement de leur part, jusqu’à ce qu’ils n’en aient plus. Les fabricants ont été plutôt coopératifs, me semble-t-il, étant donné le peu d’intérêt qu’ils nous portent. Bien sûr, au bout du compte, ce qu’ils veulent c’est vendre le plus possible de leurs produits et nous représentons une part minuscule — mais digne d’attention — de leur marché.

 

Gary Hill, Between Cinema and a Hard Place. Stedelijk Museum, Amsterdam, The Netherlands, 1993. (Foto: Mark B. McLoughlin, Courtesy of the artist and Donald Young Gallery, Chicago)

 

Packed : En ce qui concerne la gestion du matériel pendant une exposition, comment tenez-vous compte de la durée de vie de celui-ci ? Envisageriez-vous d’établir des horaires de monstration grâce auquel lee œuvres utilisant des équipements très rares, seraient projetées toutes les heures, par exemple ?

Pip Laurenson : Tina vient justement de suggérer cette idée.

Tina Weidner : Nous commençons seulement à être confrontés à ce problème, mais nous tenons à mettre en place un système dans lequel les œuvres qui requièrent des équipements rares seront montrées plutôt que d’être simplement mises de côté. Avec l’ouverture prochaine de nouvelles salles à la Tate Modern, nous aimerions voir s’il est possible de créer un dispositif spécial pour ces œuvres-là, afin d’alimenter la discussion sur ces questions.

Pip Laurenson : Est-il imaginable de montrer les œuvres qui utilisent du matériel très rare pendant une durée limitée, chaque jour ?

Tina Weidner : Je pense que cela devrait être soit dans le cadre d’une sorte de phase d’essai, soit un événement hebdomadaire ; autrement, cela pourrait être très difficile à réaliser. Il me semble préférable de trouver une solution pour ces œuvres plutôt que de les laisser disparaître de notre champ de vision.

Pip Laurenson : Tu veux dire qu’elles doivent être montrables, et pas simplement en dépôt ?

Tina Weidner : C’est ça.

Pip Laurenson : Nous avons reçu avec l’œuvre de Dan Graham38 Two Correlated Rotations39 des magnifiques projecteurs Technicolor de 8 mm. J’ai toujours pensé que nous pourrions organiser une petite performance avec les équipements d’origine, mais, en réalité, cela n’aurait pas très bien fonctionné. Les projecteurs n’auraient pas été bien synchronisés. Dans cette œuvre, ils sont censés l’être et, à l’époque, Dan Graham avait dit que, de toute façon, elle aurait dû être montrée sur 16 mm. Tina a travaillé là-dessus avec Robert Miniacci et ils ont créé un système pour synchroniser les projecteurs 16 mm, qui sert depuis un bon moment sans le moindre problème. Je pense qu’un jour, pour certaines œuvres du moins, les gens voudront venir voir les équipements de l’époque et les comparer à ce qui sera utilisé à ce moment-là. On s’intéressera, selon moi, à des appareils comme les projecteurs de Tony Oursler40, par exemple, qui confèrent à une œuvre un aspect singulier. Mais pour ce qui est d’un mode de monstration spécial, je ne suis pas sûre… Il est important de ne pas affaiblir l’œuvre en la montrant dans un tel contexte. En revanche, pour les travaux cinétiques41 de Tinguely42, on limite leur durée d’activité. Je crois qu’ils sont en marche pendant cinq minutes, toutes les heures, et il y a une petite note qui indique la prochaine mise en marche.

 

Packed : La documentation d’une œuvre pourrait-elle remplacer celle-ci lorsqu’elle n’est pas en marche ?

Tina Weidner : Je crois sincèrement qu’on a fait trop grand cas de ce genre d’idées. Veut-t-on vraiment passer encore plus de temps derrière un bureau à imaginer comment remplacer une œuvre ? Le plus important pour moi, c’est de se démener pour que les œuvres soient accessibles, ensuite on pourra aborder le problème de leur conservation, afin qu’elles restent en état d’être montrées. Mais l’idée de n’afficher que de la paperasse dans les musées ne m’enchante guère.

Pip Laurenson : Pour certaines œuvres, cependant, on pourrait montrer un documentaire vidéo pour aider le public, dans le futur, à comprendre à quoi une œuvre ressemblait.

 

Packed : Pour allonger la durée de vie de l’équipement d’origine…

Tina Weidner : Tant que l’équipement est encore disponible, selon moi, mieux vaut continuer à l’utiliser. Apparemment, dans ces cas-là, tout le monde voudrait montrer la documentation plutôt que l’œuvre elle-même, mais je n’ai jamais rencontré de cas où l’on pouvait dire que c’était très bien réalisé et que ça donnait une bonne idée de l’œuvre. À mon avis, si l’on recourt à ce genre de procédés, il faut le faire de manière plus large, pas seulement avec de la documentation.

Pip Laurenson : Nous en avons un bel exemple, qui me semble intéressant. L’artiste Ceal Floyer43, dans son œuvre Carousel, utilise un tourne-disque et un disque vinyle ; lorsqu’il sera impossible pour nous de faire tourner le disque en continu, elle ne veut pas que nous usions d’un stratagème pour reproduire le son depuis un fichier informatique. En fait, le disque contient le bruit d’un projecteur de diapositives à carrousel. Au lieu de tricher, elle préfère créer elle-même la documentation de l’œuvre, pour ce qui sera la deuxième phase de la vie de celle-ci. Ici, l’œuvre d’art inclut la documentation sur sa propre histoire — ce qui est un peu différent de ce dont on parlait. Mais je trouve ça quand même assez intéressant.

Tina Weidner : En fin de compte, l’œuvre d’art reste le plus important. Là où ça devient problématique, c’est lorsqu’on s’intéresse moins à l’œuvre elle-même qu’à une explication pédagogique pour justifier le fait que l’œuvre ne fonctionne plus — et que, dès lors, on met l’accent sur ce seul aspect… Tout le monde semble s’engager sur cette voie en ce moment.

Pip Laurenson : En réalité, excepté celle de Ceal Floyer, il y a peu d’œuvres pour lesquelles l’artiste ou le commissaire d’exposition préférerait que nous fournissions une documentation sur l’œuvre originale telle que nous l’avons reçue, plutôt que d’en transférer le contenu sur d’autres supports. Soit parce que, pour les œuvres dont les équipements possèdent une valeur esthétique, nous sommes toujours en mesure de les montrer avec les équipements adéquats, grâce au travail de conservation que nous avons effectué et des pièces de rechange que nous avons accumulées, etc., soit parce que l’œuvre est suffisamment flexible pour inclure d’autres technologies sans que cela ne soit dommageable. Donc nous n’avons pas encore véritablement dû affronter ce problème ; mais je suis sûre que cela arrivera. Il en a été question lors de discussions récentes sur Nam June Paik44 ainsi que sur de nombreuses œuvres pour lesquelles les moniteurs à tube cathodique sont d’une importance capitale.

 

Une œuvre utilisant un tube cathodique en train d'être restaurée.

 

Packed : Lorsque l’appareil d’origine tombe en panne, casse ou n’est pas accessible et que vous ne parvenez pas à en trouver un semblable, sur quels critères vous appuyez-vous pour le remplacer ?

Pip Laurenson : Ça dépend vraiment de l’œuvre. La première chose que nous prenons en considération, c’est l’importance de l’appareil pour l’œuvre d’art. S’il est purement fonctionnel, nous devons juste nous assurer que cette fonction reste disponible. S’il est visible, s’il fait partie de l’installation, les éléments à prendre en compte ne seront évidemment pas les mêmes. Pour l’essentiel, ceux-ci entrent dans trois catégories : la fonction de l’appareil et la qualité du résultat ; la visibilité, l’apparence et l’importance de celle-ci ; et enfin, le lien entre les équipements et la manière dont l’œuvre a été créée, les références culturelles qu’ils peuvent véhiculer. Les questions que j’ai abordées dans mon article sur les équipements de monstration45 sont, me semble-t-il, encore d’actualité. C’est le genre de questions que nous nous posons. L’artiste est toujours impliqué dans les discussions sur le rapport aux technologies utilisées et sur le sens de celles-ci.

Parfois, ces débats nous tombent dessus par surprise. Avec Tony Oursler, par exemple, nous avons eu une conversation très intéressante en cherchant à remplacer un de ses CPJ-10046. C’étaient de très jolis projecteurs ronds, posés au sol. Ils étaient apparents. L’image qu’ils produisent est assez particulière. Il me semble qu’ils étaient équipés de lampes halogènes, qui donnent une image assez jaune. Et ce type de projecteurs allait très bien avec les mannequins47 de l’installation. Nous lui avons donc présenté les différentes solutions possibles pour le remplacement des projecteurs et il s’est avéré que nous étions bien plus soucieux de l’esthétique de l’image que lui. Nous voulions garder cette espèce de teinte jaune ; pour ce faire, nous utilisions des filtres gris neutres avec différentes couleurs pour recréer, retrouver le ton du projecteur d’origine. Les projecteurs récents étaient très lumineux, plus clairs et un peu crus en comparaison. Il a pu voir que nous nous intéressions à cette problématique mais en réalité, pour cette œuvre-là du moins, l’esthétique lui importait moins qu’à nous. Mais la conversation a été passionnante et il a apprécié l’attention et le soin que nous portions à son travail. Par ailleurs, il était très content de la solution choisie. Nous travaillons donc en étroite collaboration avec les artistes ou leurs techniciens, lorsqu’il faut remplacer du matériel.

 

Packed : À quel moment décidez-vous de faire participer l’artiste ?

Pip Laurenson : Avant même d’acquérir une œuvre. Une partie de la réflexion qui précède l’acquisition d’une œuvre consiste à analyser le rapport de celle-ci à la technologie utilisée, afin de pouvoir décider quel sera le travail de conservation.

 

Packed : Y a-t-il parfois des problèmes en raison de certaines exigences des artistes, qui pourraient entrer en conflit avec ce que vous, en qualité de conservatrice, souhaitez ou devez faire ?

Pip Laurenson : Ce n’est jamais arrivé. Une des choses dont j’ai vraiment pris conscience, c’est qu’un engagement de toutes les parties prenantes est nécessaire, dans la mesure du possible — les commissaires d’exposition, les artistes, etc. — mais on ne sait pas à quoi on s’intéressera dans le futur. Certains commissaires seront peut-être beaucoup plus attachés à l’équipement d’origine, ou beaucoup moins… En tant que conservateurs d’une collection, nous devons prévoir quelles seront les préoccupations des futurs commissaires d’exposition et ce qui pourra les intéresser. Une décision en faveur de telle ou telle technologie peut avoir des conséquences majeures sur l’apparence d’une œuvre. Nous devons ainsi tenir une documentation complète sur la manière dont une œuvre a été présentée depuis sa création à l’usage des futurs commissaires et conservateurs qui se pencheront dessus. Il se peut par exemple que des commissaires d’exposition veuillent montrer des œuvres avec les équipements d’origine et nous devons pouvoir répondre à ce désir autant qu’à ceux de commissaires que cet aspect n’intéresse pas. C’est pourquoi nous continuons de travailler avec du matériel ancien.

Lorsqu’on a l’occasion de leur montrer, les commissaires d’exposition, les historiens de l’art et les artistes sont généralement très surpris et impressionnés par l’impact énorme que peuvent avoir les différentes techniques de projection sur l’esthétique d’une image. Nous disposons d’un grand espace polyvalent où on peut montrer la même source avec différentes technologies et c’est la première fois qu’ils voient une telle chose — comment auraient-ils pu voir ça ? Dans l’ensemble, nos conversations avec les artistes sont productives. Mettons que l’un d’entre eux ait créé une pièce au milieu des années 1990 et qu’on leur dise « Vous savez, le résultat sera sans doute affreux si on utilise un projecteur DLP48 dernier cri super clair », il comprendra. Mais nous prenons la peine de leur montrer afin qu’ils puissent constater eux-mêmes ce que ça donne.

Selon moi, l’une des compétences que doit posséder un conservateur en art contemporain, c’est de savoir mener ce genre de négociations avec les artistes sans perdre le contrôle de la situation ni laisser trop de place au doute. Un conservateur doit savoir gérer ce processus. C’est un véritable talent ; un talent diplomatique qui représente une part importante du travail de conservateur. Mais je reconnais que lorsqu’un artiste et un conservateur ne sont pas d’accord, cela peut devenir très difficile. Il peut être utile de rappeler aux artistes l’importance historique de leur travail. Il faut leur expliquer que s’ils modifient une pièce à tel point qu’elle semble dater de la veille, il ne reste plus aucune trace, pour le visiteur, de l’évolution de l’œuvre ni même du fait qu’elle a été transformée.

 

Packed : Comment est géré le budget consacré aux équipements ?

Pip Laurenson : C’est terriblement compliqué. Le budget des acquisitions finance les équipements supplémentaires dont on peut avoir besoin pour exposer des acquisitions récentes. La Tate est composée de quatre musées : la Tate Britain, la Tate Modern, la Tate Liverpool et la Tate St Ives. Si l’un d’entre eux expose une œuvre de la collection, on leur demande de payer les consommables comme les ampoules de projecteurs. S’il faut faire entretenir un appareil précis par une structure externe, un budget est prévu. Tous les coûts liés à une œuvre sont repris dans un formulaire récapitulatif. Celui-ci est approuvé par la trésorerie du musée avant que l’œuvre ne soit exposée. Ensuite, nous continuons à leur donner des informations du type « nous avons acheté six ampoules, il en reste six », afin qu’ils puissent gérer le budget en fonction de la durée de l’exposition.

Il existe aussi un budget pour les installations ou les transformations majeures, on ne demande pas aux musées de payer ça. De même, si un appareil tombe complètement en panne, on utilise un budget réservé aux frais de conservation pour le réparer ou le remplacer. Les musées ne prennent pas en charge les coûts de réparation et de remplacement importants. Ce budget-là paie également les pièces de rechange. C’est un système compliqué, mais d’une complexité assez bénéfique dans la mesure où elle permet de répartir les coûts entre plusieurs budgets différents, qui permettent à l’ensemble de fonctionner.

 

Packed : Cela a-t-il une influence sur la stratégie adoptée par rapport à une œuvre ?

Pip Laurenson : Ça a été le cas des projecteurs LCD. Ils devenaient incroyablement chers à faire tourner et difficiles à faire entretenir correctement, à cause de la durée d’exploitation des panneaux LCD et de la vitesse à laquelle ils se détériorent. La dernière fois que nous avons utilisé intensivement des projecteurs LCD, c’était pour l’œuvre de Bruce Nauman Mapping the studio49. En partie parce qu’à l’époque, les projecteurs DLP à une seule puce n’avaient pas un très bon rendu des couleurs et aussi parce que ni les projecteurs LCD inorganiques ni les projecteurs hybrides n’étaient encore sortis. Les LCD organiques se décolorent très rapidement et de la poussière se dépose dans l’optique. Sur notre site, Time-Based Media Conservation50, est présenté un projet qui décrit cette œuvre de Bruce Nauman et qui examine les questions de conservation et de monstration qu’elle soulève. Et quelque part là-dedans, il y a toute une discussion sur la maintenance des projecteurs. Ça représente une quantité de travail impressionnante. Nous avons acheté un certain nombre de panneaux de remplacement. Nous avons travaillé avec une firme spécialisée dont il était très difficile d’obtenir de bons résultats — que la balance soit bonne, que les couleurs soient satisfaisantes. C’était une masse de travail énorme. Le traitement des couleurs s’est amélioré dans les autres technologies de projection. Lorsque nous exposons cette œuvre à nouveau, nous n’utilisons plus de projecteurs LCD, parce que la technologie s’est développée de telle manière que nous n’en avons plus besoin. Il était très difficile d’arriver à ce que les projecteurs ne donnent pas très rapidement une image affreuse, à cause de la décoloration des panneaux et de la poussière. Il est très intéressant d’analyser ces images et de les comparer au matériel qu’on utilise aujourd’hui. Elles sont très différentes, très picturales.

 

Packed : Quelles sont vos attentes pour le futur de ces œuvres ?

Pip Laurenson : Le format 4:3 risque d’être un gros souci, et les diapositives seront bien plus problématiques que le film dans les prochaines années parce qu’elles deviendront obsolètes bien plus tôt. Les œuvres qui utilisent des diapositives sont une de nos plus grosses priorités. Mais de manière générale, je pense qu’il faut rester optimiste. Je me souviens d’un directeur de musée (pas de la Tate) qui m’avait dit, en 2001, qu’il n’était plus possible de montrer des films dans un musée. Bien sûr que c’est possible ; on le fait encore. C’est beaucoup de travail, mais si on y croit, c’est toujours possible.

J’ai l’impression qu’on a tendance à abandonner trop vite les vieilles technologies. Il ne sert à rien de faire toute une histoire pour garder les équipements d’origine si cela ne n’a aucun sens pour l’œuvre d’art en question. D’autre part, certains ont fait l’erreur de penser que la technologie n’avait aucune importance pour les œuvres d’art médiatiques. Dans certains cas, les équipements peuvent être très expressifs et dans d’autres pas du tout.

Il faut donc, selon moi, d’abord juger de la valeur d’une technologie pour une œuvre. Par ce jugement, en fait, il s’agit de dire que, s’il n’est plus possible de maintenir ce rapport entre la technologie et l’œuvre, quelque chose de très important disparaîtra. Ensuite, il faut décider jusqu’où on ira pour éviter cette perte. C’est le même problème que pour la peinture, où il faut travailler dur pour empêcher que des morceaux de peinture ne se décomposent ou pour réduire au minimum le ternissement d’une aquarelle. Il est très important de savoir où concentrer son énergie et quels sont les éléments les plus importants à essayer de préserver. Ça vient avec l’expérience, mais il ne faut surtout pas abandonner trop vite. Nous savons que nous les tubes cathodiques nous poseront des problèmes majeurs, donc nous nous efforçons d’accumuler des pièces détachées, de trouver des gens capables de les remettre en état, d’acquérir ces compétences, etc.

Un galeriste a dit un jour qu’il nous faudrait une sorte de « capsule témoin ». Dans la pire des hypothèses où il faudrait reconnaître que notre entreprise a échoué parce qu’elle est devenue intenable et qu’on ne peut plus se permettre de montrer les œuvres comme on le souhaiterait, notre plan B serait cette capsule témoin qu’il suffirait d’ouvrir. Mais il ne faut pas se jeter sur ce plan B tout de suite. Bill Viola comparaît cela à un tableau d’autel dont on n’aurait conservé que la prédelle. Dans certains cas, on perd des aspects très importants d’une œuvre lorsqu’on ne préserve pas son rapport à une certaine technologie.

Il faut admettre qu’on a perdu quelque chose de capital lorsque la technologie était importante, et qu’il y aura peut-être d’autres manières de montrer l’œuvre. Mais pour certains artistes, ça risque d’être très compliqué. Tacita Dean51 refuse catégoriquement que ses films soient montrés sur un support numérique. Nous devrons donc trouver un moyen pour qu’un rayon lumineux traverse le film transparent et projette une image sur un mur. C’est le type de conversations que nous avons aujourd’hui avec les artistes concernant l’importance de la technologie pour eux et leur travail. Et il faudra qu’ils prennent position à cet égard. Il est très important aussi que les commissaires d’exposition s’impliquent dans ces décisions difficiles. On a déjà fait pas mal de chemin dans la conservation des films et des autres anciennes technologies, cependant, depuis que je suis impliquer dans ce sujet, plus le temps passe, et plus cela devient stimulant.

 

Notes

 

 

  • 1. La Fondation Henry Moore est une organisation caritative reconnue d’utilité publique, fondée par l’artiste en 1977, qui promeut la reconnaissance publique des arts visuels, en particuliers les travaux de Henry Moore. Elle a pour missions principales de conserver les œuvres de Moore dans sa propriété de Hertfordshire et dans diverses expositions organisées à travers le monde, de financer les expositions et les recherches de l’institut Henry Moore à Leeds et d’allouer des subventions à des institutions artistiques au Royaume-Uni et ailleurs. Le département de recherche de l’institut Henry Moore, qui est en charge de la gestion des bourses de recherche au sein de l’institut, a tissé des liens importants avec la faculté des beaux-arts, d’histoire de l’art et d’études culturelles de l’université de Leeds ainsi qu’avec de nombreux départements universitaires dans tout le Royaume-Uni. Voir : http://www.henry-moore.org/
  • 2. Bruce Nauman (né en 1941 à Fort Wayne, dans l’Indiana) est un artiste américain. Son travail couvre un large panel de techniques dont la sculpture, la photographie, le néon, la vidéo, le dessin, la gravure et la performance. Après s’être forgé une réputation de pionnier conceptuel dans le domaine de la sculpture et avoir travaillé sur le cinéma, il produit ses premières cassettes vidéo en 1968. En utilisant son corps pour explorer les limites de situations quotidiennes, Nauman a exploré la vidéo comme dispositif scénique et instrument de surveillance au sein d’une installation, influencé par les travaux expérimentaux de Merce Cunningham, Meredith Monk, La Monte Young, Steve Reich et Phillip Glass.
  • 3. Le Gabo Trust a été fondé en 1988 par la famille du sculpteur Naum Gabo (1890-1977). Face aux problèmes qu’impliquaient les nouveaux matériaux utilisés en sculpture moderne et contemporaine, l’organisation s’est fixé l’objectif de faire croître les ressources des collections muséales pour la conservation de sculptures ainsi que de soutenir la formation des futurs conservateurs professionnels. Voir : http://www.gabotrust.org/
  • 4. Le terme « monobande » désigne des œuvres vidéo ou médiatiques qui ne nécessitent qu’une seule source d’information (comme le DVD), un seul appareil de lecture (comme un lecteur DVD) et un seul mode de visualisation (comme un moniteur à écran plat). Pour en donner un exemple familier, lorsque l’on visionne un DVD sur un téléviseur domestique, il s’agit d'une œuvre monobande. Source : http://www.eai.org/resourceguide/glossary.html?sabre
  • 5. Le D5 est un format vidéo numérique professionnel introduit par Panasonic en 1994. Comme pour le D1 de Sony (8 bits), il s’agit d’un système vidéo numérique non compressé à composantes séparées (10 bits), mais qui utilise les mêmes bandes de ½ pouce que le format numérique composite D3, également créé par Panasonic. La définition « standard » des magnétoscopes D5 peut être améliorée pour enregistrer en haute définition en utilisant un boîtier externe d’entrée-sortie HD. La conversion en haute définition interdit cependant la correction d’erreur possible pour un enregistrement en définition standard, puisque l’intégralité de la bande est nécessaire à l’enregistrement en HD. Une bande D3 de 120 minutes correspond à 60 minutes sur D5 ou D5 HD. Source : http://en.wikipedia.org/wiki/D5_HD
  • 6. Voir : http://ingex.sourceforge.net/index.html
  • 7. La BBC (British Broadcasting Corporation) est la plus grande organisation de télé et radiodiffusion du monde. Fondée le 18 octobre 1922 sous le nom de British Broadcasting Ltd., ce fut la première structure nationale de radiodiffusion. Le département de préservation s’occupe des collections télé et radio de la BBC. Voir : http://www.bbc.co.uk/archive/preserving.shtml
  • 8. La compression vidéo est un procédé permettant de réduire le volume des données utilisées pour représenter des images vidéo numériques, qui combine la compression de l’espace occupé par une image et la compensation temporelle du mouvement. La plupart du temps, la compression vidéo entraîne une perte — on part du principe qu’une grande partie des données présentes avant la compression n’est pas nécessaire à une perception correcte de la vidéo. Les fichiers vidéo non compressés n’utilisent aucune compression et sont souvent de très grande taille. Le fait qu’il n’y ait aucune perte de données est l’une des conditions indispensables pour effectuer un archivage numérique de qualité.
  • 9. En informatique, un format ouvert est un protocole de stockage de données dont les spécifications techniques sont publiques, et dont les standards sont régulés par un organisme chargé de sa normalisation ; c’est pourquoi n’importe qui peut s’en servir. Par exemple, un format ouvert peut aussi bien être utilisé par des logiciels propriétaires que par des logiciels libres ou open source, en se référant aux licences respectives de ceux-ci. À la différence des formats ouverts, les formats fermés sont définis et contrôlés par des intérêts privés.
  • 10. Le MXF (Material eXchange Format) est un format servant de « conteneur » ou d’« encapsuleur » à des contenus audio et vidéo numériques professionnels, défini par un ensemble de standards de la SMPTE. Le MXF peut comprendre plusieurs flux de données, codées au moyen d’un certain nombre de codecs et « encapsulé » dans des métadonnées qui en décrivent le contenu.
  • 11. Le LTO (Linear Tape-Open) est une technique de stockage de données sur bande magnétique apparue à la fin des années 1990. Son format ouvert a contribué à sa popularisation, au détriment des autres bandes magnétiques de l’époque, qui utilisaient des formats fermés. Fondé par Seagate, Hewlett-Packard et IBM, le LTO Consortium est chargé d’encadrer le développement de cette technologie, mais est également un organe de contrôle qui délivre les licences aux fabricants et vérifie la conformité des produits (médias et équipements). La dernière génération (LTO-5), sortie en 2010, peut contenir 1,4 TO dans une cartouche. Depuis 2002, le LTO est le format de « superbande » le mieux vendu et est largement utilisé, avec de petits ou grands systèmes informatiques, en particulier pour effectuer des sauvegardes.
  • 12. Le DVD (Digital Versatile Disc ou Digital Video Disc) est un format de stockage de données sur disque optique. Les DVD sont constitués de quatre couches : un substrat de polycarbonate, une couche d’aluminium réfléchissante, une couche colorée et une couche de vernis. Le format DVD ne convient pas à l’archivage de vidéos principalement parce qu’il utilise un standard de compression entraînant une perte de données, le MPEG-2. Quantité d’artistes ont recours au DVD pour des expositions, à tel point que celui-ci a remplacé le Laserdisc au rang de format le plus populaire dans de nombreux musées et galeries. Cependant, pour les expositions, le DVD tend de plus en plus à être remplacé par des fichiers MPEG-2 lus directement depuis une carte mémoire.
  • 13. Gary Hill (né en 1951 à Santa Monica, en Californie) est un artiste américain et l’un des pionniers de l’art vidéo. C’est un des artistes contemporains les plus importants à travailler sur les relations entre mots et images électroniques. Ses recherches sur la linguistique et la conscience ouvrent de riches perspectives philosophiques et poétiques, à travers l’étude des conjonctions formelles entre le corps, le moi et des éléments électroniques sonores et visuels. Mêlant rigueur expérimentale, précision conceptuelle et imagination exploratrice, le travail vidéo de Gary Hill interroge et consiste en une nouvelle forme d’écriture. Source : http://zkm.de/event/2002/11/future-cinema . Voir également : http://www.garyhill.com/
  • 14. Between cinema and a hard place (1991) est une œuvre de l’artiste américain Gary Hill, qui compte vingt-trois moniteurs de tailles diverses (extraits de leurs chassis) : douze écrans couleur de treize pouces, cinq écrans noir et blanc de neuf pouces et six écrans noir et blanc de six pouces. Voir l’article de Pip Laurenson sur l’installation de Gary Hill : http://www.tate.org.uk/research/publications/tate-papers/01/developing-s...
  • 15. Bien que l’artiste irlandais James Coleman (né en 1941 à Ballaghaderreen, dans le comté de Roscommon) ait été actif dans la vidéo, le film, la photographie et le théâtre depuis le début des années 1970, il est mieux connu pour ses installations dans lesquelles il déploie plusieurs projecteurs pour montrer des diapositives en même temps qu’est jouée une bande sonore. Dans son travail photographique et filmique, il redéfinit les traditions de représentation et de création des images généralement associées à la peinture.
  • 16. Voir : http://www.tate.org.uk/art/artworks/coleman-charon-mit-project-t07077
  • 17. Le SDI (Serial Digital Interface) est un ensemble d’interfaces vidéo définis par les normes de la SMPTE (Society of Motion Picture and Television Engineers).
  • 18. L’humidité relative ou degré d’hygrométrie mesure la vapeur d’eau présente dans un volume gazeux composé d’air et de vapeur d’eau.
  • 19. Le numéro EQ est le numéro d’équipement.
  • 20. Un format optique qui, contrairement au DVD, stocke la vidéo comme signal analogique composite. Introduit par Philips et MCA en 1972, le Laserdisc a fait son apparition sur le marché en 1978. Les disques peuvent être en verre ou en plastique. Il existe essentiellement deux types de Laserdisc : ceux enregistrés en vitesse linéaire constante (CLV pour Constant Linear Velocity) et ceux enregistrés en vitesse angulaire constante (CAV pour Constant Angular Velocity). Les disques CAV ont une capacité de trente minutes de vidéo environ, permettent l’arrêt sur image et la lecture image par image. Les disques CLV peuvent contenir environ une heure de vidéo, mais n’offrent aucune de ces deux fonctions. Il fut un temps où le Laserdisc était un format de monstration populaire chez de nombreux artistes, mais il a aujourd’hui été largement supplanté par le DVD. Le Laserdisc traitait mal les zones de couleurs saturées : cela produisait des taches en forme de chevrons. Source : Bay Area Video Collective.
  • 21. La VHS (Video Home System) est un standard vidéo grand public développé par la firme japonaise JVC et introduit sur le marché en 1976. Une cassette VHS contient une bande magnétique d’un demi-pouce de large et jusqu’à 430 m de long, pour environ trois heures trente de lecture au format NTSC et cinq heures au format PAL, à une qualité « normale » (SP). Il existe plusieurs améliorations de la VHS dont la plus répandue est la Super-VHS (S-VHS).
  • 22. Le format vidéo analogique U-matic ¾ de pouce, créé à la fin des années 1960, se présente sous la forme d’une cassette contenant une bande vidéo de ¾ de pouce. C’est l’ancêtre du Betacam, un système également analogique.
  • 23. The Museum System (TMS) est un système de gestion de collection créé par Gallery Systems. Voir : http://www.gallerysystems.com/products-and-services/ et http://www.gallerysystems.com/products-and-services/tms/
  • 24. Sony lança le projecteur CRT D50 en 1997 en même temps que les modèles haut de gamme G70 et G90. Les D50 sont de petits appareils silencieux dotés de tubes de concentration ES de 7 pouces, d’une luminosité de 800 lumens, avec convergence numérique, menus affichés à l’écran (et de nombreuses séquences de test intégrées), vidéo, S-Vidéo et entrées pour vidéo à multiple composantes. Sa fréquence de balayage de 64 Khz le rend compatible avec les normes 720p/1080i (HDTV).
  • 25. Un tube cathodique ou CRT (Cathode Ray Tube) est un tube à vide contenant un canon à électrons et un écran fluorescent. Lorsque le faisceau d’électrons, accéléré et dévié grâce à des dispositifs internes ou externes, atteint l’écran fluorescent, de la lumière est émise et forme des images. Celles-ci peuvent représenter des ondes électriques (oscilloscopes), des images télévisées (télévisions, écrans d’ordinateurs) ou des cibles radar, entre autres.
  • 26. Un projecteur CRT est un vidéoprojecteur qui utilise un tube cathodique (CRT) de petite taille et très lumineux pour produire une image. Celle-ci est ensuite projetée et mise au point sur un écran grâce à un objectif placé devant le tube cathodique. La plupart des projecteurs CRT modernes sont constitués de trois tubes cathodiques dotés chacun d’un objectif qui permettent la diffusion d’images en couleur (au lieu d’un seul tube cathodique couleur). Les composantes rouge, verte et bleue du signal vidéo entrant sont traitées et envoyées vers les tubes cathodiques correspondants, produisant des images qui sont mises au point par les objectifs pour former l’image finale à l’écran. Un des avantages principaux des projecteurs CRT est la profondeur du noir, nettement supérieure à celle des projecteurs de type LCD et DLP. Mais comparés à ces derniers, les projecteurs à tube cathodique sont plus grands et plus lourds, ils prennent autrement plus de temps à installer et à régler, et leur luminosité ANSI maximale est inférieure.
  • 27. La pellicule de 16 mm a été introduite par Eastman Kodak en 1923 comme une alternative amateur et bon marché au format conventionnel de 35 mm. 16 mm est en fait la largeur de la pellicule. D’abord destiné au marché amateur, l’industrie cinématographique l’a souvent considéré comme de qualité inférieure. Mais le 16 mm a été énormément utilisé par la télévision et l’est toujours par des auteurs de cinéma expérimental et d’autres artistes. Les principaux fabricants de pellicule de 16 mm aujourd’hui sont Kodak et Fujifilm.
  • 28. Le format d’une image est le rapport entre sa largeur et sa hauteur, exprimé par deux nombres séparés d’un deux-points. Le format 4:3 est utilisé en télévision depuis ses origines ainsi que par de nombreux écrans d’ordinateurs. C’est le format choisi comme standard par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences dès l’apparition du « son-sur-pellicule ».
  • 29. Un écran à cristaux liquides (LCD pour Liquid Crystal Display) est un écran d’affichage électronique plat et fin qui utilise les propriétés des cristaux liquides (LC) en matière de modulation de la lumière. Les écrans LCD ont supplanté le tube cathodique (CRT) dans la plupart des domaines. Ils sont généralement plus compacts, plus légers, portatifs et moins chers. Un plus grand choix de tailles est disponible que pour les écrans à tube cathodique et les autres types d’écran plat.
  • 30. Pip Laurenson fait allusion aux projecteurs LED développés par Casio, qui mélangent les technologies LED et Laser (le tout combiné à un processeur DLP qui traite les images) pour former un système hybride qui aboutit à une image considérablement plus claire que sur tous les autres projecteurs LED.
  • 31. Le son surround regroupe plusieurs techniques permettant d’améliorer la qualité de reproduction d’une source sonore en la diffusant dans différents canaux sonores par l’intermédiaire de plusieurs haut-parleurs individuels. Cette technologie est utilisée notamment dans les cinémas et les systèmes home cinema, les consoles de jeu vidéo et les ordinateurs.
  • 32. La haute définition (HD) désigne aujourd’hui les formats vidéo dont la résolution est meilleure que la définition « standard » (SD). Il existe actuellement deux résolutions pour la HD : 1080 ou 720 lignes.
  • 33. FACT est un cinéma et une galerie d’art, mais aussi l’un des principaux organismes britanniques de diffusion et de soutien des arts, du cinéma et des nouveaux médias. Voir : http://www.fact.co.uk
  • 34. Gustav Metzger (né en 1926 à Nuremberg) est un artiste et un activiste politique qui a inventé les concepts d’art autodestructeur et de grève artistique. Avec John Sharkey, il a lancé le Destruction in Art Symposium à Londres en 1966. Metzger prit également part au mouvement Fluxus et décréta la célèbre grève artistique de 1977 à 1980. Déjà soucieuses des enjeux environnementaux dans les années 1970, beaucoup de ses œuvres sont considérées aujourd’hui comme remarquablement visionnaires. Liquid Crystal Environment est une œuvre médiatique complexe créée en 1965 et remaniée en 2005.
  • 35. Bill Viola (né à New York en 1951) est un artiste américain considéré comme l’un des pionniers de l’art vidéo. Son travail a contribué à la reconnaissance de l’art vidéo comme une forme importante de l’art contemporain et à étendre l’ampleur de l’art vidéo en termes de technologie, de contenu et de portée historique. Les installations vidéo de Viola — des espaces qui plongent le spectateur dans le son et l’image — sont caractérisées par l’utilisation des toutes dernières technologies, mais en même temps se distinguent par leur extrême simplicité et leur précision. Voir : http://www.billviola.com/
  • 36. Stan Douglas (né à Vancouver en 1960) est un artiste américain célèbre pour ses installations vidéo et son travail de photographe. Son œuvre fut saluée notamment pour avoir élargi l’expérience de l’espace filmique et muséal, tant sur le plan physique qu’intellectuel. Explorant les traditions intellectuelles, culturelles et idéologiques de la modernité, ses œuvres sont l’instrument d’une relecture critique de l’histoire occidentale passée et présente. L’échec des utopies modernes et les « fantômes » qu’elles ont fait naître constituent les thèmes centraux de son œuvre.
  • 37. Pip Laurenson, The Management of Display Equipment in Time-based Media Installations, 2005, http://www.tate.org.uk/research/publications/tate-papers/03/the-manageme...
  • 38. Dan Graham (né en 1942 à Urbana, dans l’Illinois) est un artiste conceptuel travaillant à New York. Personnage influent du monde de l’art contemporain, il est à la fois praticien de l’art conceptuel, théoricien et critique d’art. Son travail du film et de la vidéo soulève les questions du temps et de l’espace.
  • 39. Voir : http://www.tate.org.uk/art/artworks/graham-two-correlated-rotations-t01737
  • 40. Tony Oursler (né à New York en 1957) est un artiste américain auteur d’installations et d’œuvres multimédia. Il donne vie à des objets inanimés avec de simples projecteurs. Considéré, aux côtés d’artistes comme Bill Viola, Bruce Nauman et Gary Hill, comme l’un des plus grands créateurs vidéo, il a toutefois utilisé cette technique tout à fait différemment. Dans ses installations, un film tourné avec une caméra vidéo est montré au moyen d’un projecteur basé sur le système de la lanterne magique, comme dans le théâtre du XIXe siècle. Le spectateur n’est pas face à un écran rectangulaire, il a devant lui des fleurs animées, des globes oculaires géants ou encore des poupées — qui parlent, s’insultent et se disputent dans un langage grossier. Le contraste entre les corps « morts », immobiles des poupées et leur langage agressif et vulgaire, accentué encore par leurs « têtes qui parlent », crée une puissance dramatique inattendue. Source : http://csw.art.pl/new/99/ousler_e.html . Voir aussi: http://www.tonyoursler.com/
  • 41. Le terme « cinétique » désigne une relation au mouvement. L’art cinétique est donc une forme d’art fondée sur l’esthétique du mouvement. Dès le début du XXe siècle, plusieurs artistes ont commencé à intégrer le mouvement à leurs œuvres. Les objectifs de ce courant sont divers : explorer les possibilités qu’offre le mouvement, introduire la dimension temporelle dans l’art, faire écho à l’importance des machines et de la technologie dans le monde moderne, et questionner la perception, entre autres. Le mouvement est produit soit mécaniquement grâce à des moteurs, soit par le déplacement naturel de l’air. Source : http://www.tate.org.uk/collections/glossary/definition.jsp?entryId=148
  • 42. Jean Tinguely (1925, Fribourg – 1991, Berne) était un peintre et sculpteur suisse. Il est réputé pour ses machines-sculptures et ses œuvres cinétiques. Voir : http://www.tinguely.ch/
  • 43. Ceal Floyer (née à Karachi en 1968) est une artiste multimédia britannique active dans plusieurs disciplines comme la vidéo, la création sonore et de lumières, le dessin et la sculpture. Son travail questionne la tension dialectique entre la littéralité et la banalité ainsi que la construction imaginaire du sens. L’apparente simplicité de ses œuvres repose sur un sens de l’humour singulier et une conscience aigüe de l’absurde ; en déformant les jugements et en multipliant les faux-semblants, elle force le spectateur à remettre en question sa perception du monde.
  • 44. Nam June Paik (1932, Séoul – 2006, Miami) était un artiste américain d’origine coréenne. Il a travaillé avec divers médias et est considéré comme l’un des plus importants artistes vidéo. Ses sculptures et installations se composent souvent de téléviseurs et d’écrans à tube cathodique modifiés. En 1969, il a créé le synthétiseur Paik/Abe avec l’artiste et ingénieur Shuya Abe. Voir : http://www.paikstudios.com/
  • 45. Voir : http://www.tate.org.uk/research/publications/tate-papers/01/developing-s...
  • 46. Le CPJ-100 est un projecteur LCD fabriqué par Sony jusqu’en 1997. Son design est très particulier, puisque la plus grande partie de ses composants et de l’électronique est logée dans un boîtier cylindrique. Il était attaché à un support qui lui permettait de pivoter de 90 degrés et de par exemple projeter des images au plafond. Ce projecteur peut traiter des signaux PAL et NTSC de sources composites ou S-Vidéo.
  • 47. L’artiste Tony Oursler est célèbre pour l’utilisation de mannequins dans ses œuvres, sur lesquels des vidéos sont souvent projetées.
  • 48. DLP (Digital Light Processing) est une marque de Texas Instruments qui désigne la technologie utilisée dans certains vidéoprojecteurs et téléviseurs. On la retrouve dans les projecteurs frontaux DLP (petits appareils de projection indépendants) et les télévisions à rétroprojection DLP. C’est aussi l’une des principales technologies utilisées dans la projection de cinéma numérique.
  • 49. Mapping the Studio II with colour shift, flip, flop, & flip/flop (Fat Chance John Cage), créée par Bruce Nauman en 2001, est une installation composée de sept vidéos projetées simultanément où l’artiste prend pour sujet son propre studio. Voir : http://www.tate.org.uk/art/artworks/nauman-mapping-the-studio-ii-with-co...
  • 50. Voir : http://www.tate.org.uk/about/our-work/conservation/time-based-media , http://www.tate.org.uk/about/projects/inside-installations et http://www2.tate.org.uk/nauman/home_1.htm
  • 51. Tacita Dean (née en 1965) est une artiste visuelle britannique vivant à Berlin. Après une formation en peinture, elle pratique diverses techniques dont le dessin, la photographie et le son, mais est plus connue pour ses étonnants films en 16 mm. Les plans fixes et plans-séquences, éléments caractéristiques de ses films, produisent une sensation d’immobilité dans des images en mouvement. Elle a aussi créé des œuvres sur les mécanismes de la production cinématographique qui révèlent son artificialité. Source : http://www.tate.org.uk/art/artists/tacita-dean-2675 et http://www.tate.org.uk/search?q=tacita+dean&type=event
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