Questions élémentaires

Presque toutes les œuvres vidéo monobande ont été créées et n'existent actuellement que sur un support extrêmement instable : la bande vidéo. La composition de base d'une bande vidéo est la première cause de son instabilité - une bande vidéo est composée de particules magnétiques assemblées par un liant lui-même appliqué sur un substrat en plastique. Ces composants peuvent être altérés par la chaleur, l'humidité, la moisissure, les dommages physiques et l'exposition à des champs magnétiques. Même des bandes vidéos bien traitées ont une courte espérance de vie. De plus, les équipements de lecture pour les formats obsolètes peuvent devenir très dur à trouver. Les questions qui suivent serviront de guide pour évaluer les risques qu'encourent des bandes vidéos dans une collection et aussi à déterminer une ligne de conduite qui assure qu'elles soient correctement préservées.

Pourquoi les bandes vidéos se détériorent-elles ?

Du à la nature du matériel qui les compose, toutes les bandes magnétiques - qu'elles soient audio ou vidéo - sont susceptibles avec le temps de se détériorer chimiquement. Certaines bandes anciennes peuvent avoir été fabriquées avec une base d'acétate, ce qui les rend vulnérables au "syndrome du vinaigre". Quasiment toutes les bandes vidéos sont susceptibles de connaître un état connu sous le nom de "sticky shed", dans lequel les oxydes magnétiques qui retiennent les informations enregistrées commencent à se dissoudre. L'eau, la poussière ou la moisissure peuvent endommager physiquement la bande. Et, parce qu'une bande a des contacts physiques avec les têtes de lecture, elle souffre d'usure et d'accrocs même avec un usage normal. De mauvaises conditions d'entreposage ainsi qu'un équipement sale ou ne fonctionnant pas correctement peuvent également avoir des conséquences néfastes pour les bandes.

Comment dois-je entreposer mes bandes vidéos ?

Les bandes doivent être manipulées dans des environnements propres et tout comme les livres, elles doivent être rangées verticalement et se trouver dans des boîtes sur des rayonnages en métal. Les bandes open-reel doivent avoir un enroulement lisse et uniforme et leurs extrémités doivent être fixées avec de l'adhésif non-acide. Pour éviter tout effacement accidentel, les languettes d'enregistrement sur les cassettes doivent être supprimées ou mise en position fermée. Les bandes doivent toujours être tenues à l'écart d'importants champs magnétiques, en particulier des ordinateurs et des écrans.

Les espaces d'entreposage doivent être situés à distance des fenêtres (afin d'éviter l'exposition à la lumière du soleil) et maintenus frais, sec et sans poussières. Le climat idéal pour les bandes et les disques est approximativement de 10°C avec une humidité relative de 25% (hygrométrie). La stabilité du milieu— c'est à dire une fluctuation minimale de la température et de l'humidité — est la chose la plus importante.

Dois-je rembobiner mes bandes après les avoir visionnées ?

Oui. Le mécanisme de chargement d'un appareil de lecture est particulièrement rude avec le morceau de bande qui se trouve entre les deux bobines. À cet endroit, la bande d'une cassette est aussi plus exposée à la poussière. Quand la bande a été rembobinée, cette partie vulnérable est généralement vide, ainsi les dommages éventuels causés par le mécanisme n'affecteront pas le contenu de la bande.

Dans le cas où une bande n'est pas regardée intégralement, il est également recommandé de l'avancer jusqu'à la fin et ensuite de la rembobiner afin d'assurer un enroulement régulier sur la bobine. Cette mesure est aussi recommandée pour les bandes qui ne sont pas fréquemment utilisées — cette manœuvre redistribue la tension de l'embobinement et prévient le relâchement de la bande ou sa détérioration.

J'ai des bandes de types inhabituels et je n'arrive pas à trouver un appareil pour les lire. Que puis-je faire ?

En cinquante ans d'histoire de la production de bandes vidéographiques, plus de soixante formats ont été introduits puis abandonnés (voir le guide des formats). Il existe quelques compagnies de restauration spécialisées dans les formats obsolètes et dans l'équipement permettant de transférer le signal vers d'autres supports. N'essayez pas de lire une bande sur un équipement si vous n'êtes pas sûr que chacun d'eux est opérationnel.

Quels sont les formats les plus à risque ?

De par leur âge et la difficulté qu'il y a trouver des lecteurs fonctionnels, les bandes open reel de 1/2 pouce et les Quadruplex 2 pouces sont les formats les plus à risque. Les formats ayant connus une obsolescence plus récente, comme les U-matic 3/4 de pouce et les Type C de 1 pouce ont un facteur de risque moins élevé mais qui lui aussi augmente. Les petits formats de cassettes plus contemporains comme le Hi-8 et le MiniDV, ont un facteur de risque assez important dû à l'extrême petite taille de leur bandes et de leurs mécanismes. En résumé, tous les formats requièrent de la vigilance, de l'attention et une migration régulière vers des standards contemporains.

Cette bande produit un horrible grincement lorsque j'essaye de la lire. Quel est le problème ?

Tout d'abord, arrêtez d'essayer de lire la bande ; continuer causera probablement des dommages irréparables. Le grincement est la conséquence de ce que l'on appel le sticky shed syndrome — une défaillance du liant de la bande.

Une bande vidéo est constituée de trois composants élémentaires : la base, le liant et l'oxyde. La base c'est le substrat qui sert de support aux autres couches ; le liant est utilisé pour retenir les particules d'oxyde — sur lesquelles les informations sont enregistrées — sur la base.

Si le liant absorbe de la moisissure, il peut devenir collant et ce dernier ainsi que l'oxyde peuvent se détacher de la base, ce qui cause un grincement à mesure que les particules s'accumulent à l'intérieur du magnétoscope. La désagrégation du liant et de l'oxyde entraîne la perte d'informations enregistrées et c'est pourquoi il est crucial d'arrêter immédiatement d'essayer de lire une bande qui grince.

Certaines de mes bandes sentent le vinaigre. Est-ce normal ?

Les premières bandes vidéos étaient fabriquées avec une base en acétate et tout comme les pellicules filmiques en acétate, ces bandes sont sujettes à un type de décomposition nommée couramment "syndrome du vinaigre". Contrairement au syndrome du "sticky shed", qui résulte de l'hydrolise du liant de la bande, le "syndrome du vinaigre" indique lui une hydrolise du substrat qui libère des gaz acétiques acides qui sont la cause de l'odeur de vinaigre.

À mesure que le substrat devient plus cassant et commence à se contracter, une lecture précise devient de plus en plus difficile jusqu'à ce qu'éventuellement la bande ne puisse plus du tout être utilisée. Pour ralentir le processus de détérioration et pour empêcher les émanations de gaz acétiques acides de contaminer d'autres pellicules ou d'autres bandes, entreposez les bandes affectées séparément dans un environnement à température et humidité basse. L'enregistrement doit être copié vers un format actuel plus stable aussi rapidement que possible.


Que dois-je faire si une bande présente de la moisissure ?

Tout d'abord, veuillez noter que la moisissure peut poser de sérieux problèmes de santé. Les bandes qui présentent de la moisissure doivent être manipulées le moins possible et avec beaucoup de précaution. Elles doivent être mises en quarantaine et peuvent être placées dans des sacs en plastique jusqu'à ce qu'elles puissent être traitées par un professionnel. En attendant, des poches de gel de silice disponibles chez les vendeurs d'articles pour les archives peuvent être placées dans les sacs plastiques qui contiennent les bandes afin de mettre la moisissure en état de dormance. Gardez en tête que l'état de dormance — et les risques potentiels de la moisissure — peuvent seulement être confirmés par un test en laboratoire. La plupart des sociétés de transfert d'archives peuvent vous assister dans ces opérations à risques. Un entreposage au frais et au sec reste la meilleure défense contre la moisissure.


Existe-t-il un format de préservation universel pour les bandes vidéos ?

Non. Jusqu'à présent, le Betacam SP et le Digital Betacam (aussi connu sous le nom de Digibeta) sont les standards pour l'archivage. Le Betacam SP est un format analogique de haute qualité qui est toujours largement utilisé dans l'industrie audiovisuelle, ce qui indique que son obsolescence n'est pas imminente. Le DigiBeta est le standard numérique contemporain, et bien qu'il utilise une compression d'image (en majeur partie indétectable à l'œil nu), il peut être utilisé pour faire des copies sans pertes d'une génération à l'autre.


Combien de temps durera une bande vidéo ? Qu'en est-il d'un DVD ?

En théorie, une bande vidéo devrait avoir une durée de vie d'au moins dix ans et jusqu'à trente ans dans des conditions optimales durant chaque phase. Mais en réalité, des variables telles que les conditions d'entreposage et d'usage peuvent affecter radicalement la durée de vie d'une bande. Il y a aussi des différences entre les marques de bandes vidéos, donc même entreposées dans des conditions identiques, les bandes peuvent se détériorer à des rythmes différents.

Les fabricants clament qu'un DVD durera plus longtemps qu'une bande vidéo, mais comme il s'agit d'un format récent avec une stabilité qui n'est pas encore prouvée (en plus de sa compression très élevée) il n'est pas considéré comme un support d'archivage. Gardez à l'esprit qu'un format peut devenir obsolète avant que le signal vidéo qu'il contient ne se détériore. Pour ces deux raisons, les enregistrements sur DVDs et sur bandes doivent être transférés vers des formats plus stables de façon régulière.

Puis-je préserver une œuvre filmique sur un support vidéographique ?

Non. Au delà du respect de l'authenticité et de l'intention du créateur, toutes les œuvres devraient être préservées dans les formats qui sont les plus proches possible de leur formats d'origine. Les œuvres créées originellement sur pellicule devraient plus particulièrement être préservées sur pellicule. Un film sur pellicule entreposé correctement a une durée de vie plus importante que la vidéo. Si les masters originaux du film sont perdus ou qu'ils sont endommagés de façon irréparable, la vidéo ou la préservation numérique peuvent en dernier recours se révéler nécessaire.


Ai-je besoin de plusieurs copies d'un même enregistrement?

Oui. Les copies maîtresses doivent être distinguées des copies de consultation, de diffusion ou de projection qui seront sujettes à l'usure due à leur utilisation régulière. La qualité de la copie maîtresse d'archivage sera aussi proche que possible de l'original afin que cette dernière puisse être utilisée pour migrer le meilleur signal possible vers un standard contemporain. Pour protéger le contenu de votre collection, il est recommandé de conserver les copies dans au moins deux endroits géographiquement distants l'un de l'autre.

Puis-je jeter mes vieilles bandes après les avoir remasterisées ou numérisées?

Non. Il n'est jamais conseillé de se débarrasser des originaux d'un film ou d'une vidéo, à moins qu'elle n'ai été détériorée au-delà de toute utilisation.

La technologie étant en constante évolution, vous voudrez peut-être revenir à votre original afin de réaliser le transfert de la plus haute qualité possible. Des copies numérisées de votre collection sont uniquement utiles si vous pouvez les tracer, ce qui veut dire qu'un système de gestion des ressources numériques (Digital Asset Managment, DAM) est nécessaire afin de maintenir un calendrier pour la migration des fichiers.

SOURCES

[John W. C. Van Bogart, Magnetic Tape Storage and Handling]

[Texas Commission on the Arts: Video Conservation Guide]

[Jim Wheeler, Video Preservation Handbook (Fichier PDF)]